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Or, il existe une autre compagnie, une autre « classe de l’Institut, » destinée, depuis qu’elle existe, à ce genre d’études ou de recherches : c’est l’Académie des Inscriptions et belles-lettres. Si l’Académie française n’avance point dans son Dictionnaire historique, c’est qu’elle sent bien qu’elle n’est point faite pour ce labeur, ni ce labeur pour elle. Otez-le-lui, confiez-le à l’Académie des Inscriptions: celle-ci le mènera plus loin en vingt ans que l’Académie française en plus d’un siècle. Car, c’est là qu’il se trouvera des érudits : — Des indianistes et des sémitisans, des hellénistes et des latinistes, voire des celtisans et des germanisans, — pour décider du titre, en quelque sorte, et de l’aloi d’une étymologie. C’est là qu’il s’en trouvera, pour résoudre ou pour éclaircir ces difficultés bibliographiques ou philologiques, d’où dépendent, comme on l’a vu, la valeur et l’autorité des exemples qui doivent être l’illustration d’un Dictionnaire historique. C’est là qu’il s’en trouvera qui possèdent enfin la littérature du moyen âge, — Langue d’oc et langue d’oil, — Comme à l’Académie française la littérature classique; et qui seuls en sauront tirer ce qu’elle peut rendre de services à l’histoire de la langue. L’Académie française, au surplus, n’en voudra-t-elle pas convenir elle-même? si le Dictionnaire historique n’était pas pour elle un legs du passé, jamais, au grand jamais, dans le siècle où nous sommes, l’idée ne lui serait venue de l’entreprendre. Et quant aux inconvéniens qu’il pourrait y avoir à en abandonner le dessein commencé, pour qu’ils fussent de quelque gravité, tout le monde avouera qu’il faudrait que le Dictionnaire fût un peu plus avancé.

Que fera cependant l’Académie française? Car encore n’admettrions-nous pas, comme disait Sainte-Beuve, il y a tantôt vingt ans, avec une irritation mêlée d’irrévérence, « qu’elle fût un lieu tout de loisir, ni une institution de luxe, qui se croit quitte moyennant un ou deux bals publics de réception par an. » Demanderons-nous là-dessus avec lui que l’Académie, conformément d’ailleurs à un article de ses statuts, publie, « au moins quatre fois par an, » des observations critiques sur les ouvrages importans de littérature, d’histoire et de sciences ? Sainte-Beuve, qui ne croyait pas à grand’chose, croyait cependant à la critique officielle, à la littérature d’état, il croyait à Mécène, il croyait à Auguste. Mais pour nous, qui n’y croyons plus, nous dirons seulement qu’autant que le Dictionnaire historique de la langue française conviendrait à l’Académie des inscriptions, autant un autre travail, celui de l’Histoire littéraire de la France, conviendrait au contraire à l’Académie française. Compétente en effet jusqu’ici pour l’Histoire littéraire, c’est-à-dire tant qu’il ne s’agissait que de la littérature du moyen âge, l’Académie des inscriptions le devient chaque jour de moins en moins, c’est-à-dire à mesure que l’on approche de l’époque classique. C’est ce qu’il nous reste à montrer maintenant; et que la continuation de l’Histoire littéraire