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LE
CONCLAVE DE LÉON XIII
D’APRÈS UN RÉCIT ITALIEN

Si les hommes étaient toujours fidèles à leurs engagemens, s’ils avaient tous l’inviolable respect de la foi jurée, nous ne saurions rien de ce qui se passe dans ces mystérieuses assemblées qu’on appelle des conclaves. Avant d’entrer en clôture pour procéder à l’élection d’un pape, les cardinaux jurent sur l’évangile de garder le secret. Les conclavistes ecclésiastiques ou séculiers attachés à leur personne, à leur service, et qui leur tiennent compagnie dans leurs cellules, prêtent à genoux un serment d’absolue discrétion ; docteurs, pharmaciens, barbiers, charpentiers, maçons, cuisiniers sont assermentés comme eux en présence du camerlingue et du sous-doyen. Cependant à la longue tout se sait, tout se découvre; il y a toujours des indiscrets qui causent ou qui écrivent ; les propos sont recueillis, les écritures enfouies dans des archives de famille voient le jour, et, en dépit des précautions et des sermons, les divins mystères sont dévoilés.

Il faut en convenir, rien n’est plus vain que le serment de secret que prêtent les conclavistes. Ils ont une incurable démangeaison de parler, de faire part à l’univers de tout ce qu’ils savent. Malheureusement, ils sont sujets à caution, il est bon de se défier, sinon de leur bonne foi, du moins de leur impartialité et de leur jugement : « Leurs chroniques et leurs journaux anonymes, a-t-on dit, sont généralement pour l’histoire des sources peu sûres. Le conclaviste n’est pas un historien, c’est un curieux, ordinairement cancanier, qui prend note de ce qu’il voit et de ce qu’il entend, qui écrit sans esprit de critique et avec une grande présomption, surtout s’il est de la suite d’un cardinal papable. » Aussi M. Raphaël de Cesare, qui vient de publier en