Page:Revue des Deux Mondes - 1887 - tome 80.djvu/664

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
UN
INCENDIE EN MER

Le paquebot de la Compagnie transatlantique, la France, 4,700 tonneaux, commandant Collier, quitta Saint-Nazaire dans l’après-midi du 10 décembre 1886. Nous étions à bord deux cent cinquante passagers, quarante hommes de l’infanterie de marine, quatre gendarmes; en tout, l’équipage compris, environ quatre cents personnes. Toutes les couches sociales et plusieurs nations, principalement l’Italie et l’Amérique centrale, y étaient représentées; mais les Français formaient la très grande majorité. Il y avait des entrepreneurs du canal de Panama, leurs ingénieurs, un grand nombre d’ouvriers s’y rendant avec femmes et enfans, plusieurs ecclésiastiques, des curés des Antilles, un missionnaire, qui devait périr pendant la traversée, des frères de Ploërmel et trois sœurs de Saint-Vincent de Paul, ces dernières chargées de la mission périlleuse de soigner les malades dans les hôpitaux de Panama. Le grand monde de Paris et la société élégante de Caracas (Venezuela) avaient aussi fourni leur contingent. Était-ce le regret de quitter l’Europe ou l’appréhension qu’inspirait le climat meurtrier de l’isthme aux nombreux passagers qui allaient l’affronter, était-ce un triste pressentiment, assez naturel par le temps épouvantable des jours précédens, cette compagnie si nombreuse et si bariolée, loin de se distraire par de bruyans adieux,