Page:Revue des Deux Mondes - 1887 - tome 80.djvu/573

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de cas les circonstances aggravantes qui auraient transformé le délit en crime, et de traduire devant la police correctionnelle les auteurs de vol ou de coups et blessures qui, si toutes les circonstances du fait étaient relevées, seraient justiciables de la cour d’assises. C’est ce qu’on appelle dans la pratique la correctionnalisation. Cette pratique a pour but et pour résultat d’abréger les instructions, la procédure étant beaucoup plus rapide devant les tribunaux correctionnels que devant les cours d’assises, et d’assurer la répression, le jury étant sujet à des accès d’indulgence intempestive lorsque la peine qui résulterait de son verdict et qu’il soupçonne sans la connaître lui parait disproportionnée avec la gravité du fait. Les avantages de cette pratique ont même semblé assez grands pour qu’elle ait reçu, au bout de quelques années, une sanction légale, et certaines infractions qui, préalablement, étaient soumises à la cour d’assises, ont été définitivement soustraites à sa juridiction par une loi intervenue en 1863. Mais l’habitude de correctionnaliser, pour employer le terme judiciaire, les infractions qui demeurent soumises au jury, n’en a pas moins subsisté chez les magistrats instructeurs, et ceux-ci se fortifient dans cette habitude à mesure que l’institution du jury donne, au point de vue de l’efficacité de la répression, des résultats de moins en moins satisfaisans. Or c’est précisément sur ces catégories d’infractions sujettes à la correctionnalisation que porte la diminution, en apparence si considérable, de la criminalité. Cette diminution n’est donc qu’un leurre, un trompe-l’œil, et le fait est tellement indéniable, tellement connu de tous ceux qui s’occupent de statistique criminelle, qu’il n’est pas besoin de l’établir par des chiffres. Il est préférable d’entrer sur-le-champ dans quelques détails sur les crimes que leur caractère nettement déterminé ne permet pas de soustraire à la juridiction du jury. Nous allons voir que le nombre de ces crimes, loin de diminuer, a plutôt augmenté depuis le commencement du siècle.

Au premier rang de ces crimes qui échappent à la correctionnalisation se trouvent les attentats contre les personnes qui ont eu mort d’homme pour résultat. Ces attentats sont de trois natures : l’assassinat, le meurtre et les coups et blessures ayant occasionné la mort sans intention de la donner. Je ne parle pas pour le moment des infanticides, sur lesquels je reviendrai tout à l’heure. Si nous prenons d’abord les assassinats, nous voyons que, pendant la période quinquennale de 1826 à 1830, leur nombre moyen annuel a été de 197. Par une singulière coïncidence, ce chiffre est exactement celui de la période de 1876 à 1880. Pendant les périodes intermédiaires, le nombre des assassinats a été tantôt au-dessus, tantôt au-dessous de cette moyenne. Depuis quelques années, le