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Abd-el-Kader, lieutenant de Mouley-Abder-Rahmane ; puis, d’une acclamation unanime, le djihad, la guerre sainte fut décidée contre l’infidèle ; mais l’heure de la déclaration demeura réservée au jugement de l’émir. Au mois d’août, il parcourut les montagnes et les vallées de l’ouest, demandant aux tribus de l’argent, beaucoup d’argent, pour faire aux chrétiens la guerre, « non pas une guerre comme par le passé, qui n’avait dû qu’irriter le prophète, mais une guerre vraiment sainte, où chacun, pour gagner le paradis, devait se préparer à mourir. » Le 15 octobre, il rentrait à Mascara. D’après les instructions du maréchal Valée, datées de Constantine, ce même jour, le général qui commandait les troupes d’Oran expédiait au capitaine Daumas, accrédité par le gouverneur près d Abd-el-Kader, l’ordre de rentrer dans les lignes françaises. L’occasion si patiemment attendue par l’émir, c’était l’adversaire qui enfin la lui présentait lui-même.

Le duc d’Orléans, qui avait la nostalgie de l’Algérie, avait obtenu du roi l’autorisation d’y revenir et de visiter surtout la province de Constantine. Décidé d’abord pour le printemps de 1839, le voyage s’était trouvé retardé jusqu’à l’automne. Le 23 septembre, le prince prit terre à Mers-el-Kébir ; ni gouverneur, ni lieutenant-général même pour le recevoir ; une bourrasque de nord-ouest avait retenu dans le port d’Alger le gouverneur, et la maladie empêchait le lieutenant-général Guéhéneuc de faire au royal visiteur les honneurs d’Oran. Enfin, comme si c’eût été une gageure de la fortune, quand le prince, amené par le Phare, arriva devant Alger, il ne trouva personne au débarcadère : l’homme de vigie n’était pas à son poste, et le maréchal ne fut averti que trop tard. Pendant huit jours, le duc d’Orléans visita les établissemens civils et militaires de la ville, tout le chapelet des camps de la Métidja, les grands haouchs, les plantations ïlurtin, Saint-Guilhem, Vialar. A Koléa, il passa en revue les zouaves avec une satisfaction que ne feignit pas de partager le gouverneur. Enfin, le 6 octobre, ils s’embarquèrent l’un et l’autre à bord du Phare, escortés par le Crocodile et le Cocyte, qui portaient le 1 léger dont Changarnier venait d’être nommé colonel. Ils virent en passant Bougie et Djidjeli, et débarquèrent, le 8, à Stora, où les attendait le général Galbois, accompagné des grands chefs de la province.

L’état sanitaire de Philippeville était déplorable, et le service hospitalier encore pire. Il faut citer ici l’expression indignée du prince : « Mille malades entassés sous quelques baraques en planches mal jointes ou sous de vieilles tentes trop minces, et par conséquent trop chaudes ou trop froides, gisent tout habillés sur la terre humide, sans paille, sans air, sans eau, car les ustensiles manquent pour leur donner à boire ; sans médicamens et presque sans