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indigènes, mais encore au maintien de la plupart de ceux qui existaient déjà. Il leur reprochait de coûter fort cher et d’être incapables de rendre tous les services qu’on attendait d’eux; ce n’était pas autre chose, selon lui, que la pépinière des réguliers d’Abd-el-Kader ; instruits, équipés, armés à la française, les fantassins désertaient pour entrer dans les bataillons d’askers, les cavaliers pour servir dans les escadrons de khiélas. Il n’y avait que les misérables, les vagabonds, les gens sans aveu qui se présentaient à l’enrôlement, et si on les éloignait de leur lieu d’origine, les désertions n’en devenaient que plus nombreuses ; ainsi deux cents hommes, recrutés à Constantine et envoyés aux zouaves d’Alger, avaient peu à peu disparu des cadres. Quant à la dépense, elle était excessive; l’entretien d’un spahi coûtait 578 francs de plus que celui d’un chasseur, et l’entretien d’un zouave était de 117 francs plus cher que celui d’un fantassin français. Cependant, pour les spahis, le maréchal voulait bien revenir à l’organisation primitive des chasseurs d’Afrique, en mettant à la suite des escadrons français un ou deux escadrons indigènes.

Pour ce qui est des zouaves, il était impitoyable : « Voilà, disait-il, un régiment porté à trois bataillons qui n’a pas 1,500 hommes d’effectif au lieu de 2,600 qu’il devrait avoir, et qui ne compte que 450 indigènes au lieu de 1,000, nombre réglementaire. » Le maréchal proposait donc leur licenciement, sauf à former des élémens français un nouveau régiment d’infanterie légère, et des indigènes un bataillon annexé à la légion étrangère. Énergiquement défendus par le duc d’Orléans, les zouaves furent sauvés, mais en sacrifiant leur troisième bataillon, de création récente. Le maréchal Valée ne s’avouait pas satisfait : « Les zouaves, disait-il en grommelant, n’ont pas pris une part plus glorieuse à l’assaut de Constantine que le 2-léger ou les autres corps qui ont formé des détachemens pour le service d’honneur. L’armée a vu avec peine la prédilection qu’on a souvent montrée sans motif pour des régimens étrangers, à la solde de la France. La réduction de ce corps à deux bataillons ne peut être que transitoire et doit avoir nécessairement pour complément sa suppression ou sa transformation. » La transformation ne fut pas telle que la demandait le maréchal ; elle allait se faire indirectement et peu à peu par l’absorption de l’élément indigène dans les bataillons spéciaux créés sur le modèle des tirailleurs de Constantine, de sorte que cette élimination naturelle ne devait plus laisser dans le régiment de zouaves que l’élément français.

Une ordonnance royale du 31 août 1839 régla l’organisation de la cavalerie. Les régimens de chasseurs d’Afrique, portés à quatre par la création d’un nouveau régiment dans la province de Constantine,