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VII.

Pendant ces deux années de progrès dont le gouverneur-général de l’Algérie se faisait honneur, son activité laborieuse s’était portée sur d’autres objets que les établissemens ou les expéditions militaires ; il avait médité tout un plan de réforme pour l’administration civile et pour la constitution organique de l’armée d’Afrique. Le 27 juillet 1838, il avait adressé au gouvernement un long rapport sur le premier de ces grands sujets. Deux institutions subies par ses prédécesseurs étaient particulièrement dénoncées par lui, l’intendance civile à Alger et la direction des affaires d’Afrique au ministère de la guerre. Il réclamait pour le gouverneur-général, assisté d’un directeur de l’intérieur, d’un directeur des finances et d’un directeur de la justice, exécuteurs de ses ordres, l’omnipotence administrative et la correspondance exclusive avec le pouvoir central, représenté par un ministère spécial de l’Algérie et des colonies, ou, si l’on se refusait à cette création nouvelle, par le président du conseil. Une ordonnance royale, promulguée le 31 octobre 1838, ne donna aux idées et aux demandes du maréchal Valée qu’une satisfaction incomplète. L’intendant civil disparut et fut remplacé par un directeur de l’intérieur et un directeur des finances ; mais le procureur-général, maintenu dans toutes ses attributions, au lieu d’être un simple directeur de la justice, continua d’être indépendant du gouverneur et de correspondre directement avec le garde des sceaux et le ministre de la guerre.

Les idées du maréchal au sujet de la constitution de l’armée d’Afrique n’étaient pas moins absolues. Il condamnait énergiquement le système des détachemens distraits, pour telle ou telle circonstance, des corps de troupes régulièrement organisés : « Toutes les formations de compagnies hors ligne, disait-il, ne servent qu’à désorganiser les corps pour favoriser un petit nombre d’individus au détriment de leurs camarades, qui valent souvent autant ou mieux qu’eux.» Ainsi la compagnie franche du 2e bataillon d’Afrique, commandée par le capitaine Blangini, dut rejoindre son corps aussitôt après la prise de Constantine. « De bons régimens, constamment maintenus à un effectif suffisant, écrivait le maréchal au ministre de la guerre, le 17 janvier 1838, me paraissent suffire à tous les besoins du service, surtout lorsqu’ils seront placés sous l’autorité de lieutenans-généraux actifs et instruits. Je pense que les principes suivis pour la constitution des armées en Europe peuvent s’appliquer, en les combinant aux exigences du terrain, à la guerre que nous faisons en Afrique. » C’est pourquoi il était systématiquement hostile, non-seulement à la création de nouveaux corps