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son premier aide-de-camp, le commandant de Salles. A Miliana, on commença par le retenir ; au camp de Sidi-Moustafo, sur l’Oued-Fodda, on lui interdit absolument de passer outre; après quinze jours de tribulations et d’ennuis, il lui fallut tristement reprendre le chemin d’Alger. Cependant le maréchal Valée ne négligeait rien pour se concilier l’esprit d’Abd-el-Kader : il lui envoyait des armuriers, des mécaniciens, des fusils, des obus, de la poudre ; mais des mois et des mois devaient se passer encore avant que l’oracle consentît à donner sa réponse.

Les seules distractions de cette longue attente, le gouverneur ne pouvait les demander qu’à la province de Constantine ; heureusement, de ce côté-là, toutes les nouvelles arrivaient bonnes. Sidi Mohammed Hamouda, remis en liberté par le général Galbois, était rentré dans ses fonctions de hakem, et le conseil d’administration chargé d’apurer ses comptes n’avait laissé à sa charge qu’une somme peu considérable. Au mois de septembre, le général, à la tête d’une petite colonne, avait commencé de faire une tournée fiscale quand il reçut la nouvelle inopinée que le maréchal, n’y pouvant plus tenir, venait de débarquer à Bône. Il se porta aussitôt à sa rencontre, et, le 23, le conquérant de Constantine y fit son entrée, aux acclamations de la foule. Le grand motif de son voyage était de constituer définitivement la province et d’assurer lui-même l’exécution des mesures qu’il avait méditées longuement dans son palais d’Alger. Le 30 septembre, trois arrêtés organiques furent publiés à la fois; le plus considérable confiait à des khalifis et à des caïds l’administration des territoires qui ne seraient pas gouvernés directement par l’autorité française : le tiers du produit de l’hokor leur était abandonné à titre de traitement. Le conseil d’administration de la province, présidé par le général commandant supérieur, était composé du sous-intendant militaire, du payeur de la division, du hakem de Constantine, des trois khalifas, du Cheikh-el-Arab, et des trois caïds des Hanencha, des Harakta et des Amer. L’investiture fut donnée solennellement aux grands chefs indigènes: le plus important de tous, le fameux défenseur de Constantine, Ben-Aïssa, qui avait fait depuis quelque temps sa soumission à la France, fut reconnu khalifa du Sahel, c’est-à-dire des montagnes du littoral entre Bône et Djidjeli; El-Hamlaoui, khalifa du Ferdjioua, entre Constantine et Sétif : El-Mokrani, khalifa de la Medjana, entre Sétif et les Biban: Ali-ben-Bahamet, caïd des Harakta; Resghi, rallié comme Ben-Aïssa, caïd des Hanencha; Moktar, caïd des Amer; le litre de Cheikh-el-Arab, que portait encore Farhat-ben-Saïd, trahi et retenu prisonnier par Abd-el-Kader, fut transféré plus tard à son heureux riva! Bou-Zeïd-ben-Ganah.