Page:Revue des Deux Mondes - 1887 - tome 80.djvu/472

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ces crises ne conduisent pas à la guerre, il y a malheureusement toujours en Europe, à l’orient comme à l’occident, assez de troubles, assez d’élémens d’incendie pour que la paix reste à la merci des incidens.

Quelle est aujourd’hui la situation de l’Europe telle que l’ont faite les derniers événemens qui l’ont si profondément agitée? Évidemment, il y a un instinct public qui ne se trompe pas, une crise redoutable, qui a pu paraître un instant imminente, a été évitée ou détournée. Depuis quelques jours, on le sent, la paix rentre par degrés dans les esprits. Ce n’est pas en France qu’il y a eu un changement de ton et d’allure. La France, en vérité, n’a eu qu’à rester ce qu’elle était, à garder son attitude calme et imperturbable devant les orages dont on la menaçait ; elle s’est même abstenue de répondre aux provocations par lesquelles on n’a cessé de l’aiguillonner depuis quelques semaines comme pour la forcer à sortir de sa patriotique modération. Elle est demeurée jusqu’au bout silencieuse et attentive sans se laisser déconcerter. Ce qu’elle a été depuis deux mois, elle l’est encore. C’est en Allemagne surtout, au centre même de l’agitation violente et agressive de ces derniers temps, c’est là qu’il y a eu ce qu’on pourrait appeler un certain désarmement moral qui a sans doute sa signification. On ne nous par le plus du moins du « tranchant du couteau. » On a suspendu jusqu’à la prochaine occasion cette guerre bruyante et brutale d’injures, de dénonciations, d’excitations, de menaces contre la France. La campagne des polémiques irritantes et provocatrices est provisoirement finie. Un certain apaisement s’est fait parce que l’agitation était en grande partie factice, parce que, dans le fond, le peuple allemand lui-même n’a nullement la passion de guerres nouvelles, parce qu’en définitive le but était atteint par les élections qui ont donné au gouvernement de Berlin la majorité qu’il désirait. C’est pour avoir cette majorité soumise, dévouée, que M. de Bismarck n’a pas craint de jouer des grands ressorts, de mettre le feu aux passions, d’émouvoir l’Europe en laissant pressentir que la paix tenait uniquement peut-être au vote du septennat. Il a réussi! Ce qu’il voulait, il l’a obtenu; il l’a sans doute acheté assez cher, au détriment de la sécurité momentanée de tous les rapports européens, mais il l’a. Il n’a pas même attendu que le Reichstag fût complété par les ballottages; il l’a réuni aussitôt, et, dès les premières séances du nouveau parlement, le septennat a été voté sans contradiction, sans discussion nouvelle, sinon à l’unanimité, du moins à une immense majorité. Le chancelier avait présenté le septennat comme la garantie de la paix, on lui a envoyé la majorité qui vient de voter le septennat: il ne peut qu’être satisfait, il est sorti victorieux de la campagne qu’il avait entreprise. C’est ce qui explique cette sorte de détente qui s’est produite au lendemain de tant d’agitations.

La première impression qui se dégage de cette situation nouvelle