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ses partisans, aujourd’hui, déclarent qu’il prêche d’exemple : au gré de ces admirateurs, le Ventre de Paris est le spécimen d’un art proprement moderne; il est vrai enfin que M. Zola lui-même paraît se ranger à cet avis. Que voulez-vous? M. Sarcey, à la vue de cet ouvrage, témoigne peu d’enthousiasme : aussitôt M. Zola se précipite contre lui de tout son poids; il lui jure, sous le nez, que son drame est excellent. Nous savons, grâce à M. Paul Alexis, que la première comédie de ce violent écrivain, composée sur les bancs du collège d’Aix, avait pour titre : Enfoncé le pion! Quiconque le morigène, il lui donne encore ce nom et fonce dessus. Nous savons, par le même biographe, qu’une œuvre postérieure, écrite au lycée Saint-Louis, portait cette note : « Ce drame résume l’humanité. » C’est bien le moins, à présent, qu’un tel homme réponde aux mécontens : « Mes petits sont mignons. » Sous le feu de la critique, au lendemain de la première représentation, il ne se permet pas d’être modeste : il est tout occupé de se montrer courageux. Mais, la veille, il était de sang-froid ; et alors il annonçait le Ventre de Paris comme un divertissement populaire tiré de son roman par M. Busnach, un ouvrage « bon enfant, » une pièce H mixte.» — Hé oui! voilà bien le mot, une pièce « mixte; » et, plutôt que l’auteur grisé par la polémique, il faut en croire l’auteur à jeun.

Naguère, en un de ses feuilletons, M. Zola reconnaissait que « l’évolution naturaliste au théâtre a commencé par le côté matériel, par la reproduction exacte des milieux... C’était là, en effet, le côté le plus commode. Si les peintres-décorateurs et les machinistes ont suffi pour une partie de la besogne, les auteurs dramatiques n’ont encore fait que tâtonner, » Un autre jour, il recommandait les costumes « fournis par les différens métiers; « ce ne seraient «pas des costumes riches, mais des costumes qui suffiraient à la vérité et à l’intérêt des tableaux. Puisque tout le monde se lamente sur la mort du drame, nos auteurs dramatiques devraient bien tenter ce genre de drame populaire et contemporain. Ils pourraient y satisfaire à la fois les besoins de spectacle qu’éprouve le public et les nécessites d’études exactes qui s’imposent chaque jour davantage. » Bien plus, M. Zola désignait cet exemple : « J’imagine qu’un auteur place un acte dans le carré des Halles centrales à Paris. Le décor serait superbe, d’une vie grouillante et d’une plantation hardie. Eh bien! dans ce décor immense, on pourrait parfaitement arriver à un ensemble très pittoresque, en montrant les forts de la Halle coiffés de leurs grands chapeaux, les marchandes avec leurs tabliers blancs et leurs foulards aux tons vifs, etc.. »

M. Zola, aujourd’hui, marche dans son rêve : l’auteur qu’il imaginait, c’est lui; voici ce décor grouillant dévie et planté hardiment; voici les forts de la Halle et les marchandes ; voici des tombereaux de navets et de carottes; voici, à gauche, des mottes de beurre, et, à droite, des tas de choux; et tout cela encadré, de part et d’autre, par ces légères architectures