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À cette occasion, comme en Europe, il se fait aux Indes un grand échange de cadeaux ; mais le beau-père de la jeune fille, plus que les autres parens, doit montrer beaucoup de libéralité : les classes pauvres s’y ruinent, et les emprunts que les parens font à cette occasion, emprunts consentis à de très lourds intérêts, pèsent souvent sur eux toute la vie. Le jour des noces, ils invitent tous leurs amis, et, si c’est une famille riche, le nombre des assistans peut s’élever jusqu’à quinze cents personnes. La moitié des invités reste dehors sur des bancs, aux portes des maisons, pendant que les appartemens intérieurs sont galamment offerts aux femmes. Avant la célébration, la belle-mère de la fiancée et un groupe d’amis se rendent au logis du garçon et lui apportent, de la part de celle qui sera sa femme, un riche vêtement, ainsi qu’une bague d’or. Ces présens, contenus dans un vase d’argent ou de cuivre, lui sont offerts de la main droite par la belle-mère. En revenant de cette visite, les mêmes personnes distribuent aux gens de la noce des bouquets de roses, des feuilles de bétel enveloppées dans des feuilles d’or ; elles les aspergent d’eaux de senteurs contenues dans une aiguière d’or ou d’argent. On part ensuite, avec grand apparat, pour la maison de la fiancée. En tête du cortège est une musique indigène ou européenne jouant ses airs les plus joyeux : puis vient le futur époux, ayant à ses côtés le prêtre qui doit bénir l’union, les invités, et enfin les femmes et les enfans, richement parés.

Lorsque le soleil disparaît de l’horizon, le fiancé et la fiancée ont été réunis dans une grande salle : ils ont pris place dans de somptueux fauteuils, séparés par un rideau qui les empêche de se voir. Toutefois, par-dessous le rideau, leurs mains sont enlacées. Une corde de petite grosseur, mais rudement tressée, est apportée, et les prêtres officians, tout en priant, en entourent sept fois le couple. Au septième tour, la corde est attachée encore sept fois autour des mains toujours jointes. En ce moment, un nuage d’encens s’élève d’un plateau sur lequel brûle le feu sacré ; le rideau est soudainement écarté, et le jeune homme et la jeune femme, auxquels on a donné quelques grains de riz, se hâtent de se les jeter à la figure. Ceci fait, ils se rapprochent, et alors commence la bénédiction religieuse, appelée ashirwud.

Le prêtre s’adresse alternativement à deux témoins, dont l’un est placé à la droite du jeune homme et l’autre à la gauche de la jeune fille. Ces témoins représentent les grands-parens. Au premier, il demande s’il consent à prendre en mariage la fiancée qui est à ses côtés pour le fiancé dont il représente le père, et s’il promet de lui payer une somme en argent et en or rouge. Après la