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leur religion. Il n’apprendra donc que peu de chose à des érudits familiers avec l’histoire de son pays d’origine, les inscriptions cunéiformes de Persépolis et les sectes religieuses qui pullulent aux Indes. Mais son livre nous donnera ce que ces patiens chercheurs n’ont pu nous donner, c’est-à-dire des détails sur les mœurs des Parses actuels, appelés aussi Mages ou Mazdéens, mot dérivé de Ahura Mazda, le dieu de Zoroastre.

L’auteur suppose que ses coreligionnaires seront heureux de voir leurs aventures et la façon dont ils ont acquis d’immenses richesses décrites par l’un d’eux. Il est certain que, de ce côté, son espérance ne peut être déçue, car il ne leur ménage pas les louanges. Les Anglais en ont aussi leur bonne part, et cette fois, c’est justice : ils ont fait beaucoup pour les Mages, à une époque où leur communauté était errante et persécutée.

Un navire de guerre français, mis à la disposition d’un savant éminent, vient de transporter dans un de nos ports, pour être placés au Musée du Louvre, des fragmens précieux d’antiquité persane. Notre étude empruntera peut-être à cette circonstance un caractère d’actualité. Les soldats de Darius, que nous allons avoir sous les yeux, sont, en effet, les ancêtres des Perses qui vivent aujourd’hui aux Indes, et avec lesquels, dans le cours de mes voyages, il m’est arrivé souvent de créer des relations aussi instructives que cordiales.


I.

Dès la première page du livre de M. Dosabhai Framji Karaka, l’on apprend, avec surprise, que la secte des Parses, considérée à juste titre comme l’une des plus anciennes du monde, ne compte pas plus de cent mille individus. C’est peu, si l’on songe qu’elle se chiffrait, dans l’antiquité, par des millions d’êtres, et qu’une grande partie du commerce des Indes orientales est aujourd’hui entre ses mains.

On est aussi frappé de l’analogie de son histoire avec celle des Juifs. Même exode, mêmes persécutions, même vie errante pendant des siècles. Comme les Israélites, les Parses ont acquis une influence, une situation, des richesses tout à fait hors de proportion avec leur nombre et la petite place qu’ils occupent sur notre planète. Ce qu’il y a de surprenant encore, c’est que leur passage de la pauvreté à l’opulence, d’une condition de paria à un rang élevé, n’ait rien changé à leurs croyances, à leurs mœurs et à leurs costumes. Et en cela, ils diffèrent beaucoup des Juifs. La reine Victoria n’a pas craint d’en anoblir quelques-uns, et ces aristocrates de fraîche