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juges, les professeurs de la grande mosquée, les fonctionnaires, les protégés des puissances étrangères et quelques autres personnages restent seuls privilégiés et sont même dispensés du tirage, avec les Israélites et les nègres, les premiers parce qu’ils sont là-bas, paraît-il, de mauvais soldats, les seconds comme anciens esclaves. Cette loi paraît perfectible : huit années de tirage au sort, c’est beaucoup ; il semble qu’on pourrait réduire ce nombre en diminuant encore celui des exemptions.

Le premier recrutement, en 1883, nous servit à constituer les compagnies mixtes. Ces petits corps d’armée, répartis çà et là dans la régence, composés d’indigènes et de volontaires français choisis dans nos régimens, étaient destinés à parcourir le pays, à tenir les habitans en respect par leur extrême mobilité et leur organisation très complète ; ils devaient se suffire à eux-mêmes, être sur pied à la première alerte et se montrer à la moindre apparence de danger : une compagnie d’infanterie, un peloton de cavalerie, une section d’artillerie de montagne, telle était la composition de chacun de ces petits corps, dont le commandement fut confié à quelques capitaines de choix. On commença par créer une de ces compagnies, qu’on appelait à l’origine la première compagnie franche, et c’était bien le nom qui convenait à ces troupes trop indépendantes. Plus tard, on en mit sur pied deux autres et enfin six ; alors on les dédoubla pour en avoir douze : aucune d’entre elles n’obtint autrement que sur le papier ses canons et ses artilleurs, et les pelotons de cavalerie étaient bien maigres. Éparpillées, presque toujours campées, elles échappaient trop à l’action du général en chef, et si elles rendaient des services, elles pouvaient compromettre l’unité du commandement. Dans un pays récemment pacifié, leur indépendance relative avait plus d’un inconvénient; en outre, leur administration était impossible à contrôler, par suite trop dispendieuse. On se décida à les fondre toutes en deux régimens, l’un d’infanterie, l’autre de cavalerie, et c’est ainsi qu’elles ont formé le 4e tirailleurs ou turkos et le 4e spahis. Ces régimens sont divisés comme tous les autres en bataillons et en escadrons, divisés eux-mêmes en détachemens plus ou moins considérables et répartis, comme auparavant les compagnies mixtes, dans les diverses provinces de la régence ; mais les détachemens ne sont pas livrés à eux-mêmes, le commandement et l’administration en sont centralisés. En encourageant l’enrôlement dans ces régimens de volontaires français comme soldats et sous-officiers, — Les soldats ne pouvant être, sans danger pour nous, tous des indigènes, et les officiers devant être, quant à présent du moins, tous Français ou Algériens, — il est à prévoir qu’en très peu de temps nous pourrions confier la garde de la Tunisie à ces troupes spéciales, nous dispenser même d’en supporter