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française dont les commissaires signalent au ministre résident les droits d’exportation les plus nuisibles, les impôts les plus lourds et les dégrèvemens qui seraient le mieux accueillis ; tous ses efforts joints à ceux de la résidence tendent actuellement à faire assimiler par nos douanes les produits tunisiens aux produits algériens à leur importation en France. — En effet, les marchandises que les Français établis en Tunisie expédient chez nous paient plus de droits à nos frontières que les provenances étrangères de même nature; elles sont soumises au tarif général. Le résultat se devine : tandis que les produits français représentent plus de 60 pour 100 des marchandises qui entrent chaque année dans la régence, les produits tunisiens, à peu près exclus par nos douanes, se dirigent sur l’Italie, l’Algérie, la Tripolitaine, l’Angleterre même, de préférence à nos ports. Ainsi l’Italie achète annuellement pour 4 millions de marchandises à la Tunisie, tandis que la France ne lui en achète qu’un. La presse s’est malheureusement emparée de cette question, qui s’est compliquée le jour où elle a été livrée aux discussions publiques. Deux objections pouvaient être élevées contre l’attribution d’un tarif de faveur aux produits tunisiens. La première par les Français : ceux qui ont attaqué notre occupation n’auraient pas manqué de dire, si nous avions dégrevé les importations tunisiennes, que, sous forme de réduction dans nos recettes, nous imposions une dépense de plus aux contribuables. A cette objection on eût répondu en publiant le chiffre considérable de nos importations dans la régence : la Tunisie ouvre à nos produits un important débouché, et, par conséquent, nous dédommagerait amplement par ses achats du sacrifice qu’elle nous demande (c’est le raisonnement par lequel on cherche à prouver aujourd’hui que l’Algérie ne nous coûte plus rien); en outre, en lui accordant un régime favorable, nous avons chance de lui voir abandonner les marchés étrangers pour venir aux nôtres, de l’amener peu à peu à ne s’approvisionner que chez nous. La seconde objection serait venue, a-t-on dit, des états étrangers, lesquels, en vertu de la clause insérée dans leurs conventions commerciales avec la France, auraient réclamé le traitement de la nation la plus favorisée, c’est-à-dire l’assimilation de leurs produits aux produits tunisiens. Si nous n’avions pas été les premiers à y penser sous prétexte de la prévoir, personne à l’étranger n’aurait eu l’idée de nous opposer cette objection et, l’eût-on soulevée, nous étions parfaitement fondés à n’en pas tenir compte. Quel gouvernement aurait soutenu que la Tunisie est vis-à-vis de nous dans la situation d’une grande nation libre et prospère, et que, dans le pays qui prend la responsabilité de payer ses dettes, elle n’a pas droit à un régime économique spécial? Aujourd’hui encore, bien que l’attention des puissances intéressées ait