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français, et c’est à ce parti, nous l’avons vu, qu’on s’est heureusement arrêté.

Les beys, cependant, aveuglément, sans compter, avaient accordé des concessions importantes, par des actes vagues, qui ne contenaient même pas une délimitation des terrains cédés : un de ces actes, par exemple, abandonnait pour rien à un Français toutes les montagnes du sud de la régence, avec le monopole de l’arrachage des alfas. Ce monopole enlevait aux tribus de toute la contrée l’industrie qui les faisait vivre et ne contribua pas peu à grossir les rangs des insurgés en 1881 ; le vide se faisait dans le pays en prévision de l’exploitation, mais, d’autre part, le concessionnaire n’exploitait rien, ne paraissait même pas, cherchant seulement à vendre ses droits; une compagnie anglaise les lui acheta. A la même époque, des sources d’eau chaude près de Tunis furent concédées, de telle sorte qu’une ville entière était donnée presque sans condition à un autre Français, qui vendit, lui aussi, ses droits à des étrangers, des Italiens.

Ces concessions, et d’autres semblables, étaient-elles valables? — Non pas toutes. On s’aperçut que, sur ce point encore, une liquidation du passé était nécessaire. Les concessions régulières, exploitées conformément aux cahiers des charges, ne purent être infirmées, mais les autres subirent un examen sévère et furent l’objet d’une enquête rétrospective qui souleva, comme on pense, des réclamations furieuses de la part des intéressés, aussi bien en France qu’à l’étranger, et donna lieu à bien des débats parlementaires et des négociations diplomatiques. La commission financière nous rendit encore en cette occasion un grand service : depuis sa constitution, les concessions devaient toutes, en principe, être soumises à l’assentiment de son comité exécutif et, comme on le savait assez indépendant pour refuser cet assentiment, on s’en passa plus d’une fois. L’omission volontaire ou non de cette formalité fut la planche de salut de la nouvelle administration ; elle fit annuler par la commission elle-même, avant sa dissolution, ces contrats signés en cachette, ou du moins, quand les concessionnaires avaient vendu leurs litres à des tiers de bonne foi, elle les soumit à révision : quiconque a donc reçu du gouvernement un avantage est aujourd’hui tenu d’en tirer parti de façon à enrichir le pays au lieu de l’appauvrir ; toutes les parties du domaine beylical qui avaient été concédées avant notre occupation ont fait retour à l’état ou sont mises en valeur.

Quant aux mines, aux eaux thermales, l’exploitation, non la propriété, en est concédée par l’état aux particuliers, mais avec toutes les précautions que justifie l’expérience d’un passé où c’était plutôt le gouvernement que les mines qu’on exploitait.