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prennent le chemin du cabaret, ce qui leur arrive si souvent lorsqu’elles sortent des caisses de l’Assistance publique ou de la bourse des particuliers. Un groupe de dames patronnesses assiste la directrice générale et la directrice adjointe, ce n’est pas trop, car pour celles-ci le labeur serait accablant. Toutes les sectes religieuses, toutes les croyances, toutes les théories, sans excepter la libre pensée, sont représentées dans cette réunion de femmes qui marchent d’accord vers un but commun et l’atteignent parfois. Elles ne voient dans les détenues et dans les libérées que des malades qu’il faut chercher à guérir. Dans les maladies morales comme dans les maladies physiques, on en rencontre d’incurables, et les rechutes sont fréquentes; souvent la convalescence est longue, avec des intermittences au moins douteuses; cela ne les décourage pas. Quand même elles ne réussiraient jamais, le bien qu’elles veulent faire ne serait point perdu, il leur profiterait à elles-mêmes; c’est un lieu-commun de dire que l’exercice du bien élargit le cœur et fait fructifier l’âme ; en telle matière la déception est apportée par autrui et l’on reste certain de ne s’être pas trompé en se jetant à la recherche de la bonne action. Vouloir ne faire le bien qu’à coup sûr, c’est avoir la charité stérile; il vaut mieux être dupé cent fois en donnant que de commettre une seule erreur en ne donnant pas. A l’Œuvre des Libérées de Saint-Lazare, on offre son temps, son dévoûment, ses consolations et ses soins; on s’identifie à des souffrances présentes ; on essaie de remédier aux souffrances de l’avenir, et l’on s’emploie, sans réserve, aux actes du salut immédiat, car c’est celui-là seul que l’on vise; l’autre est affaire de conscience dont on ne se mêle jamais. Dans le principe, le siège de la société avait été installé rue Albouy, non loin de la prison de Saint-Lazare ; pour les dames de l’œuvre, le petit appartement où elles se rencontraient afin de se concerter s’appelait le secrétariat : pour les détenues, c’est le vestiaire; le mot en dit long. On a changé de quartier et l’on s’est établi place Dauphine, à proximité de l’Assistance publique, du Palais de Justice, du dépôt provisoire des détenues, de la préfecture de police, du petit parquet, avec lesquels on est en relations fréquentes, surtout depuis que l’œuvre a été reconnue d’utilité publique par un décret en date du 26 janvier 1885.


III. — LE VESTIAIRE.

Le vestiaire est situé place Dauphine, n° 28, dans une vieille maison où fut élevée Mme Roland; c’est là, dans l’atelier de son père, que lui arriva une aventure qu’elle eût mieux fait de ne point