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la vie s’est étiolé ; une seule chose reste inébranlable, grandissant à mesure qu’on la contemple de plus près, belle, vigoureuse, digne d’émulation : c’est la bonté.

Dans une série d’études publiées ici même et que le lecteur n’a peut-être pas oubliées, j’ai essayé de raconter les actes de la bonté guidée par la foi. Le sujet était limité, je ne le pouvais dépasser sans sortir d’un cadre déterminé ; il a suffi cependant pour mettre en lumière des actions bienfaisantes dont j’ampleur et la continuité sont admirables ; mais en dehors de ces œuvres qui reçoivent leur impulsion de croyances fécondes, il en est d’autres qui semblent émanées de conceptions philosophiques. Elles ne sont point à dédaigner, et les services qu’elles rendent auront du poids dans la balance de l’éternelle justice. Ce sont quelques-unes de ces œuvres qui paraissent surtout se préoccuper de la préservation sociale que je me propose d’étudier, ne serait-ce que pour démontrer qu’en notre pays, parfois si calomnié, il n’est pas une secte, pas une théorie spéculative, pas un groupe si exclusif qu’il paraisse, qui ne soit animé par l’amour du bien, ne cherche à en faire et contribue de la sorte à la grandeur nationale. On dirait que, lorsqu’il s’agit de combattre le mal dans ses formes morales et physiques, toute dissension cesse, toute rancune s’apaise, toute division disparaît, et que, sans arrière-pensée ni intérêt personnel, chacun s’empresse au dévoûment et à la charité.

La France est femme, il y a longtemps qu’on l’a dit pour la première fois : la tête est légère, mais le cœur est riche, ouvert aux aspirations supérieures et avide de sacrifices. Cette bonté, que j’admire entre toutes les vertus, je la retrouve en elle, active, ingénieuse, sachant que bien souvent on en abuse et qu’on la trompe, mais n’en continuant pas moins la route qu’elle s’est tracée, sans souci des déboires qu’on ne lui épargne pas, ni des déceptions dont sa moisson est faite. C’est là, en effet, le grand principe de la bienfaisance : si parmi les grains qu’elle sème à pleines mains, un seul tombe sur une terre fertile et germe, le labeur n’aura pas été vain. Cette bonté, je la retrouve à tous les degrés des conditions sociales, aussi bien dans l’hôtel armorié que dans la mansarde, au château comme dans la chaumière. J’ai été très frappé de cela, lorsque, par fonction, j’ai dû étudier les dossiers relatifs aux actes de vertu proposés aux récompenses que l’Académie française a mission de décerner[1].

Partout, de chaque coin de la France, s’élève l’hymne du Sursum

  1. Prix Montyon, Marie Lasne, Souriau, Gémond, Anonyme, Honoré de Sussy (duchesse d’Otrante), Camille Favre.