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électoral d’Allemagne, et aussitôt les rumeurs belliqueuses se sont évanouies. La presse officieuse d’outre-Rhin a cessé brusquement sa campagne d’insinuations contre la prétendue soif de revanche qui devait entraîner la France à se précipiter contre l’empire voisin. On a même vu la Post, qui naguère avait déclaré la guerre prochaine, inévitable, publier un long article trois jours après les élections, pour démontrer qu’un conflit franco-allemand paraissait improbable depuis le 21.

Le caractère des imputations dirigées pendant plusieurs semaines contre la nation française est ainsi nettement établi. Elles ne cachaient aucune inquiétude sérieuse et constituaient une pure manœuvre électorale. On l’avait bien prévu, et les faits ont justifié les prévisions.

M. de Bismarck, toutefois, le résultat des élections le prouve, a réussi à intimider les électeurs allemands. Ceux-ci se sont laissé persuader en grand nombre que, si le nouveau Reichstag ne possédait pas une majorité disposée à sanctionner docilement les mesures militaires arrêtées par le grand état-major et le gouvernement, la France serait invinciblement poussée à déclarer la guerre. La population a protesté en masse, en élisant une majorité de septennalistes, qu’elle voulait le maintien de la paix. Comme la nation française ne le désire pas moins ardemment, il ne reste plus de motif sérieux de redouter l’accomplissement des sinistres prédictions qui, il y a quinze jours encore, terrifiaient la spéculation sur tous les marchés financiers.

Aussi les bourses du continent commencent-elles à se remettre peu à peu d’une si chaude alarme. La spéculation et les capitaux de placement se rassurent. Les fonds d’état, précipités, au plus fort de la crise, à des cours ridiculement bas, se sont déjà sensiblement relevés. On est encore très loin des prix cotés au commencement de décembre, mais la double crise des liquidations de fin décembre et fin janvier a désorganisé notre place et causé des ruines qui ne sauraient être de longtemps réparées. Pendant toute la première quinzaine de février, les transactions ont été comme suspendues; les carnets des intermédiaires restaient fermés; une défiance réciproque paralysait tout effort de réaction contre les effets de la panique. Depuis le 15, au contraire, les choses ont repris une allure plus régulière, les capitaux ont donné largement leur concours au moment de la liquidation bi-mensuelle. Un revirement favorable s’est aussitôt produit dans les dispositions, et les acheteurs ont reparu sur le marché. Le découvert, peu étendu d’ailleurs, qui s’était formé dans l’intervalle, a pensé que le moment était venu de procéder à des rachats. On peut apprécier par le tableau suivant l’importance de l’amélioration déjà obtenue et qui, tout le fait espérer, s’accentuera vivement le mois prochain :