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bains, avec musique, discours, bénédiction et bal au nouveau casino ; les médecins, les journaux, les actionnaires surtout célébrant à l’envi l’efficacité des eaux de Mont-Oriol, et les baigneurs en revenant enfin plus malades qu’ils n’y étaient allés, — Comme si c’étaient de vieilles eaux, de très vieilles eaux, déjà mortelles du temps des Romains. Une histoire d’amour s’y mêlait, deux histoires, trois histoires qui se terminaient comme elles pouvaient, comme elles se terminent dans la réalité: par le mariage ou par l’abandon, rarement par la mort, qui ne termine rien, si ce n’est peut-être la vie. Je crois enfin que M. de Maupassant s’était promis aussi de nous égayer aux dépens de la médecine, qu’assurément il respecte, mais dont il se défie... Et tout cela commençait bien, simplement et naturellement; mais tout cela, je ne sais pourquoi, est demeuré comme à l’état d’ébauche, ou, à vrai dire, de chronique. Le roman de M. de Maupassant n’est que la chronique au jour le jour du sujet dont nous nous attendions qu’il nous donnerait l’étude.

Avec aisance, et surtout avec une clarté parfaite, quels que soient le nombre des personnages et la diversité des épisodes, M. de Maupassant prend, quitte, reprend tour à tour les différentes parties de son sujet, s’arrête ici, s’arrête là, jamais longtemps au même lieu, s’amuse ou se soulage lui-même en quelque scène d’un comique hardi, nous fait toucher au doigt le ressort d’un caractère, esquisse un paysage au courant de la plume, et, d’un mouvement rapide, nous entraîne vers le dénoûment. Mais c’est bien de la chronique, et la rapidité de ce mouvement même ressemble trop, dans Mont-Oriol, à celle de l’improvisation. Un journaliste, confié par son journal aux bons soins du docteur Bonnefille ou du docteur Latonne, observait le médecin qui croyait l’observer, envoyait à Paris une lettre chaque jour, et, au bout de la saison, elles étaient assez nombreuses en même temps qu’assez divertissantes pour former un roman. Ainsi, du moins, ai-je compris Mont-Oriol. Serait-ce, peut-être, qu’André Cornélis et Jeanne Avril, où l’on sent trop l’effort, m’empêcheraient de sentir ici le prix de la facilité? Je le veux bien; mais je crois tout de même qu’ayant conçu le plan de Mont-Oriol, — car le livre est fort bien composé, — M. de Maupassant l’a rempli peut-être un peu vite, c’est-à-dire un peu négligemment. Quelques-uns de ses personnages en ont souffert: ses médecine, par exemple, encore traités avec l’exagération de la caricature, mais surtout Paul Brétigny, romantique égaré dans le monde où M. de Maupassant nous promène, et qui ne redevient notre contemporain qu’en cessant d’être lui-même, — à la fin du roman.

Il est vrai que les figures de femmes, celle de Christiane Audermait et des deux sœurs Oriol, sont dessinées, en revanche, avec une rare