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d’assemblée populaire a déclaré que le chef de l’église universelle avait une préférence, un goût particulier pour l’Allemagne, seul pays « où la monarchie soit solide comme le rocher dans la mer. » — « La France est en proie à tous les vices, à toutes les misères du régime républicain; la royauté espagnole est toujours vacillante, toujours menacée ; le sol de la Russie est miné par le nihilisme. Le pape sait que l’autel n’est en sûreté qu’à l’ombre d’un trône inébranlable, et l’Allemagne est pour lui une terre de dilection. »

Ce qui a paru plus étonnant que tout le reste, c’est le langage de quelques feuilles du parti national-libéral, qui vota jadis avec un joyeux empressement toutes les lois de combat contre l’église. On a vu des protestans, des juifs, des libres penseurs prêcher aux catholiques allemands la plus pure doctrine ultramontaine, leur démontrer que, d’après le droit canonique, les volontés et les décisions du pape font loi dans les affaires temporelles comme dans les autres, qu’un catholique compromet son salut éternel par des distinctions coupables, qu’il n’a pas le droit de se réserver la liberté de son jugement dans la question du septennat. S’enfarinant pour un jour de théologie, ces mécréans citaient gravement Boniface VIII et la bulle Unam sanctam, rappelaient qu’aux termes de cette bulle, « il est nécessaire à tout être humain qui veut sauver son âme d’être soumis en toute chose au pontife romain, » et ils reprochaient à M. Windthorst ses criminelles rébellions, ils traitaient M. de Frankenstein de mauvais catholique. Cicéron disait que deux aruspices ne pouvaient se regarder sans rire; on raconte aussi qu’Arlequin se déguisa un jour en archevêque, mais qu’on le reconnut bien vite à la façon dont il donnait la bénédiction. Certains nationaux-libéraux sont plus forts que des aruspices, plus forts qu’Arlequin ; ils ne se décèlent jamais par un sourire, par un geste imprudent, par une gambade, et qu’ils bénissent ou qu’ils maudissent, ils se comportent jusqu’au bout comme de vrais archevêques.

On avait annoncé que le saint-père ferait quelque chose pour témoigner au gouvernement impérial ses dispositions conciliantes et son désir de lui être agréable; mais personne, sauf peut-être le chancelier de l’empire, ne pensait qu’il intervînt avec tant d’éclat. On assure qu’il a regretté la publicité donnée aux deux lettres du cardinal Jacobini. Oui a été l’indiscret? Is fecit cui prodest. Il faut toujours s’attendre aux indiscrétions, et le pape Léon XIII pouvait aussi prévoir les pénibles embarras qu’il allait causer aux catholiques allemands, qui avaient longtemps étonné le monde par leur savante discipline, l’humiliation qu’il allait infliger à leurs chefs, dont il louait le zèle, mais désavouait la conduite, les railleries, les sarcasmes qui de toutes parts pleuvraient sur eux. On prétend que, dans une heure de mélancolie, M. Windthorst