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V.

Il nous reste à dire quelques mots de l’interprétation des signes, où l’ancienne psychologie voyait une « faculté » mystérieuse. Selon nous, c’est la simple continuation en autrui de la contagion sympathique. de la solidarité qui s’est manifestée d’abord à l’intérieur d’un organisme. A l’extérieur comme à l’intérieur de notre corps, la sympathie est l’unique loi psychologique de l’expression : interpréter, c’est sympathiser. Au point de vue mécanique, cette sympathie est une réelle communication de mouvemens, comme lorsque les vibrations d’une cloche font vibrer la cloche voisine ; au point de vue psychologique et social, elle est une réelle solidarité de sensations, d’impressions et de volitions. La réaction instinctive de la volonté sous l’influence du sentiment, après s’être étendue par contagion à tout notre organisme, s’étend par la même contagion aux organismes similaires, et si les autres hommes comprennent ce que nous sentons, c’est qu’eux-mêmes le sentent. Dans le téléphone, deux instrumens sont placés en communication électrique avec une batterie : les vibrations de la voix qui ont produit impression sur le disque récepteur du premier instrument sont conduites à l’autre instrument, qui les exprime. Il y a ainsi une partie qui reçoit l’impression, un conducteur qui la transmet, semblable au système nerveux, enfin une partie où se produit l’expression. C’est l’image mécanique de la sympathie qui relie les divers organes de notre corps. Maintenant, supposez une communication établie entre un plus grand nombre de disques, de manière à y produire une série d’impressions et d’expressions, vous aurez l’image mécanique de la sympathie qui relie les organismes divers et qui établit entre eux une solidarité de sentimens. Le dernier résultat de cette communication sympathique est la retraduction du sentiment éprouvé par l’un en sentimens semblables chez les autres. Par une sorte de réponse ou de choc en retour, l’émotion de notre voisin nous est revenue. En voyant les mouvemens et attitudes d’autrui, nous tendons à réaliser nous-mêmes ces mouvemens ou attitudes, car toute idée tend à se réaliser ; puis, par contre-coup, le mouvement et l’attitude réalisés par nous reproduisent en nous les sentimens qui leur correspondent.

Charles Bell a expliqué les mouvemens expressifs et leur interprétation en montrant que les parties qui servent à l’expression servent d’abord à des fonctions et à la satisfaction des appétits par les mouvemens nécessaires : l’expression est donc un commencement d’exécution. Dès lors, il n’est pas besoin de faculté spéciale pour comprendre que le chien dont les lèvres rétractées montrent les