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Il a montré que la moindre excitation cérébrale fait affluer le sang au cerveau, et que, pendant le travail intellectuel, cet afflux du sang est assez grand pour diminuer le volume du bras plongé dans l’eau. Il a pu observer directement la circulation du sang chez trois sujets dont le crâne avait été partiellement détruit : qu’un étranger entre, qu’un bruit inattendu se produise, le pouls cérébral s’élève immédiatement. Sous l’influence de la peur, le sang reflue aux extrémités, à ce point qu’une bague ne puisse plus alors sortir du doigt. M. Mosso a appliqué ingénieusement la balance même à l’étude de la circulation. Un homme est couché de son long dans une caisse en bois disposée comme une balance et en équilibre sur un couteau d’acier ; des appareils marquent le tracé du pouls pour les pieds et les mains, ainsi que les changemens de volume subis par ces organes. Lorsque la balance et l’homme qu’elle renferme sont tous les deux en équilibre et en repos, on adresse à l’homme la parole : aussitôt, par le seul effet de l’excitation reçue et de l’attention qui y répond, la balance oscille et s’incline vers la tête, devenue plus pesante, tandis que les vaisseaux se contractent dans les extrémités inférieures, devenues plus légères. S’il y a une émotion un peu plus violente, l’inclinaison de la balance du côté de la tête peut persister de cinq à dix minutes. Un littérateur, ami de M. Mosso, étant venu assister à ces expériences, M. Mosso lui demanda d’abord de lire un livre italien, puis de traduire à l’improviste un passage d’Homère : on constata aussitôt d’importantes modifications dans la forme du pouls. En somme, c’est le système réparateur et nutritif qui intervient toutes les fois qu’une dépense d’énergie a lieu dans quelque centre nerveux, et qui s’efforce de compenser ainsi la dépense par l’apport des matériaux contenus dans le sang. De là ces effets de bascule qui se produisent dans toutes les émotions et qui résultent de leur propagation à tous les grands appareils de l’organisme.

M. Warner, lui, a soigneusement étudié les effets produits par les émotions sur la nutrition, ce qu’il appelle les signes trophiques. Les maladies qui modifient la nutrition modifient aussi le système nerveux, le rendent plus irritable. L’enfant mal nourri a souvent ce que les médecins appellent la main nerveuse, c’est-à-dire agitée de perpétuels tressaillemens ; une nutrition encore plus mauvaise peut aboutir à la chorée. Les plantes mêmes nous fournissent des exemples de cette irritabilité excessive due à une nutrition imparfaite. Des sensitives furent semées les unes dans du sable pur, les autres dans de la terre végétale mêlée de sable en diverses proportions. Les premières, qui ne pouvaient se nourrir que par l’air, devinrent languissantes et moururent bientôt : elles avaient une extrême sensibilité au moindre attouchement; un souffle,