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tomber dans la plus dangereuse des ornières. La réforme qui vient d’être faite, en donnant à la députation un caractère moins personnel et plus général, pourra rendre la tâche du roi moins pénible, car il est toujours pénible de dissoudre une assemblée. La chambre des députés représentera mieux la nation et ses véritables besoins ; c’est du moins ce que l’on espère.

Ces besoins ressortent de la présente étude. Il est évident que, si la Grèce est en bonne voie de progrès sur presque tous les points, elle est encore forcée de s’adresser à l’étranger pour la plupart des œuvres d’une nature scientifique. Les Grecs le sentent et font en ce sens les plus louables efforts : ils envoient des élèves à notre École centrale; sur 18 élèves composant la dernière promotion de notre école des ponts et chaussées, il y a 4 Hellènes, presque le quart. Quand ces jeunes gens rentreront dans leur pays, c’est à eux que l’on confiera l’exécution des routes et des chemins de fer, et certains grands travaux livrés aujourd’hui à des banquiers et à des spéculateurs. Une chambre animée du sentiment national étudiera ces besoins et en procurera la satisfaction.

Elle aura aussi à résoudre, avec le concours des nations européennes, les problèmes internationaux où la Grèce est intéressée. Si elle peut se soustraire aux déchiremens des partis et agir par des résolutions unanimes, ses votes pèseront dans la balance plus efficacement qu’ils n’y ont pesé dans ces dernières années. Ce n’est pas en devançant l’heure du règlement fatal ni en voulant l’accélérer par la menace, que la Grèce obtiendra la part qu’elle ambitionne. Ce sera par l’exemple qu’elle donnera d’un bon gouvernement, d’un esprit de sagesse qui sait où il va, et par un accord établi d’avance et habilement préparé avec les grandes nations européennes. Celles-ci ne trouveront pas mauvais que la Grèce se garnisse de fortifications et se donne une armée solide et une bonne marine de guerre ; non-seulement c’est le droit de tout peuple libre, c’est aussi le fait d’un peuple prudent et d’un gouvernement prévoyant. Un jour, peut-être prochain, ces forces militaires devront agir non pas seules, ce qui serait déraisonnable, mais comme appoint à celles d’une des grandes nations qui résoudront les questions orientales. Ces forces de terre et de mer de la Grèce, il est bon qu’on les connaisse et qu’on sache que ce n’est pas une quantité négligeable.

En avril 1886, la Grèce a mis sous les armes 81,220 hommes, 3,087 chevaux et 2,815 mulets. Cette armée comprenait l’infanterie avec sa réserve, la cavalerie, l’artillerie, le génie, la gendarmerie et les corps accessoires ou d’élite qu’on trouve dans nos armées. Elle venait d’être réorganisée sous la direction d’un habile général français. — La flotte de guerre se composait à la même époque de 26 navires,