Page:Revue des Deux Mondes - 1887 - tome 80.djvu/151

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

niveau de l’Occident civilisé. Il existe dans Athènes une Société fondée il y a à peu près vingt ans, et à la création de laquelle je m’honore d’avoir assisté, sinon participé, Société qui s’est donné pour but de préparer cet avenir. Elle crée et entretient des écoles grecques dans les pays encore soumis au joug ottoman. Mais je ne dois pas insister sur ce point ; je n’en parle en passant que pour montrer comment, par la main des Hellènes indépendans, la civilisation envoie ses rayons même au-delà du petit royaume qu’elle a créé et qu’elle éclaire.

La forme scolaire adoptée dès l’origine du royaume est la forme allemande; l’Allemagne, à cette époque, était plus avancée que nous en pédagogie. Elle nous avait aussi devancés dans certaines études, l’archéologie par exemple; celle-ci ayant, dans les pays grecs, plus d’importance et plus de matériaux que chez nous, on comprend que les antiquaires d’Athènes aient pris pour modèles ceux de l’Allemagne et soient restés fidèles à l’esprit germanique. La science allemande connaît à fond le matériel antique soumis à l’étude; mais elle en saisit rarement le génie et demeure à peu près étrangère aux questions de goût. Le goût chez les Grecs est en voie de se former, et je crois ne faire tort à personne en disant qu’il est plus en retard chez ceux qui ont pris pour modèles les Allemands que chez les autres. Quant aux autres études, c’est l’esprit français qui règne partout, et, si nous notons ce fait connu de tout le monde, ce n’est pas pour en faire honneur à notre pays; c’est pour constater qu’une grande analogie existe entre la manière de penser des Hellènes et la nôtre. La cause de cette ressemblance n’est pas dans la race, quoique l’élément aryen soit bien plus prépondérant en France qu’en Allemagne; elle est surtout dans notre éducation, qui, depuis la renaissance, s’est faite avec les écrivains grecs de l’antiquité et avec les auteurs romains imitateurs des Grecs. Elle continuera dans la même voie longtemps encore, malgré les efforts imprévoyans de quelques-uns pour proscrire les études antiques et rompre la chaîne des temps. De leur côté, les Grecs modernes, prenant pour base de leur éducation les œuvres de leurs ancêtres, deviendront de plus en plus semblables à des Français et finalement se fondront avec nous dans une même civilisation.

Cette analogie de notre génie national et de celui des Grecs se manifeste dans presque tout l’enseignement et dans tout le royaume. Ce n’est pas seulement le droit, la médecine, l’histoire, dont les chaires sont vraiment animées de l’esprit français, les écoles de tous les degrés le sont aussi; notre langue y est enseignée partout, seule de toutes les langues de l’Europe, concurremment avec le grec classique. Il en résulte cette double conséquence que l’Hellène