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à la lutte armée et à l’émeute ; il y a eu entre Hellènes des guerres sanglantes et des batailles dont le motif était une divergence au sujet du Père et du Fils, de l’Incarnation et de la nature des Hypostases. Tout cela a disparu : les Croisés d’abord et ensuite les Ottomans ont, par des opérations douloureuses et sanglantes, refroidi les têtes et ramené les esprits à la raison. Il y a dans la religion des Grecs un fond de doctrines qu’on accepte ou qu’on rejette, mais qu’on ne discute jamais. Il y a dans l’organisation ecclésiastique un ensemble de fonctions formant une hiérarchie à laquelle rien n’est jamais changé. Il n’y a pas de concordat, parce qu’il n’y a jamais de lutte entre le pouvoir laïque et l’autorité ecclésiastique. Celle-ci ne s’étend que sur le clergé séculier, qui, étant marié, se compose de citoyens. Seulement, comme les canons exigent que les évêques ne soient pas mariés, ils sont pris parmi les prêtres veufs ou divorcés ou parmi les religieux qui se sont instruits dans les couvens. Il faut toutefois observer que cette dernière source pourra prochainement se tarir : l’existence des couvens en Grèce dépend de l’état ; le ministère peut en proposer la suppression, la chambre peut la voter, rien ne peut empêcher qu’elle s’accomplisse. Depuis quelques années, la question est posée devant les pouvoirs publics et sera probablement résolue par l’affirmative. Les couvens grecs, autrefois refuges des persécutés et centres d’insurrections patriotiques, ne servent plus à rien. Leur nombre a déjà été grandement réduit ; ceux qui subsistent encore jouissent de plaines fertiles, de montagnes boisées et de vastes bâtimens, dont l’état peut tirer un meilleur parti en les aliénant. C’est son droit que personne ne conteste ; leur suppression est une question de finances et d’opportunité.

Comme pépinières destinées au recrutement du haut clergé, les partisans de la suppression observent que les couvens sont inutiles depuis que le séminaire fondé à Athènes par les frères Rizaris fournit l’église d’hommes instruits, honorables, bons patriotes et civilisés. Il est certain que le clergé grec est en progrès comme le reste de la nation. Jusqu’au grade d’évêque, les prêtres ne sont pas payés par l’état. Chacun d’eux vit comme il peut, avec sa femme et ses enfans ; il cultive sa terre ; il exerce une profession, un commerce quelconque. Chez nous, qui donnons un traitement à notre clergé, on voit souvent les curés de campagne cultiver de leurs mains un jardin, un champ, et tirer de là un produit qui compense l’insuffisance de leurs appointemens ; avec ce surcroît de revenu, la modicité de leurs dépenses et la fréquentation des bonnes maisons du pays, ils se trouvent en mesure de soulager les infirmes, d’aider les pauvres ou de subvenir aux besoins de leur famille. Quand on