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tout à coup frappa des premiers le général de Caraman. Dès le 18, il y eut trente morts. Alin de soustraire au fléau les blessés et les malades, le général Valée en fit partir pour Mjez-Ahmar le plus grand nombre avec l’artillerie de siège. Parmi les partans se trouvait le capitaine Canrobert, adjudant-major au 47e, qui avait une jambe fracturée par un coup de feu. Le 26, le général Trézel se mit en route avec un second convoi. Le lendemain, le grand chef du Zab, le Cheikh-el-Arab, Farhat-ben-Saïd, se présenta devant le général Valée ; il lui offrit de se mettre à la poursuite d’Ahmed, son ennemi mortel, qui s’était retiré dans le Djebel-Aurès. Le général en chef lui fit grand accueil et lui conféra le titre d’agha de la plaine.

La ville, emportée d’assaut, avait repris sa physionomie d’avant le siège; les boutiques étaient rouvertes, les cafés remplis d’oisifs, les marchés fréquentés par les Arabes du dehors. Le génie travaillait à fermer la brèche ; on déblayait les décombres aux alentours ; tout rentrait dans l’ordre, et Constantine, où l’on s’inquiétait quelque temps auparavant de savoir si l’on pourrait se maintenir, Constantine était décidément et facilement française. Le général en chef en confia le commandement au colonel Bernelle, avec une garnison de deux mille cinq cents hommes, composée du 61e du 3e bataillon d’Afrique, de la compagnie franche du 2e bataillon, d’un escadron du 3e chasseurs d’Afrique, d’un peloton de spahis réguliers, de deux compagnies de sapeurs, d’une batterie de campagne et de quatre obusiers de montagne. Le 29 octobre, tout ce qu’il y avait encore de l’armée expéditionnaire quitta Constantine à la suite du général en chef et du duc de Nemours. Le 1er novembre, la colonne arrivait à Mjez-Ahmar; le 3, elle rentrait à Bône sans avoir laissé en arrière ni un homme, ni une voiture et, ce qui était plus remarquable peut-être, sans avoir eu un seul coup de fusil à tirer. Avec sa résignation fataliste, la population indigène se courbait sous la raison du plus fort qui, au despotisme d’Ahmed, avait substitué la domination française.

Pendant que le cercueil du général de Damrémont traversait la Méditerranée pour aller prendre dans le caveau des Invalides son repos glorieux, pendant que le corps du général Perregaux, mort de sa blessure, attendait en Sardaigne d’être ramené en France, le général Valée, à qui la mort venait d’attribuer leur héritage militaire, allait recueillir le fruit de leur labeur autant que du sien, le gouvernement de l’Algérie et le bâton de maréchal.


CAMILLE ROUSSET.