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du Mansoura ; à midi, le 6 octobre, toute l’armée était réunie devant Constantine. Aussitôt signalée au sommet des hauteurs dominantes, l’avant-garde excita dans la ville un tumulte étrange ; des cris soudains et perçans s’élevèrent à la fois de toutes les maisons, de toutes les terrasses. c’étaient les menaces et les malédictions d’une population tout entière exaltée, fanatisée, résolue à une défense extrême. Sur les remparts, sur tous les grands édifices flottaient des drapeaux rouges ; de la kasba et d’une batterie voisine de Bab-el-Kantara, des boulets et des bombes furent lancés sur le Mansoura ; deux ou trois cents Kabyles essayèrent de se glisser dans le ravin de Sidi-Mecid ; mais les zouaves et le 2 léger les eurent bientôt rejetés vers la place.

Après avoir examiné rapidement l’ensemble du terrain, tandis que le gouverneur donnait des ordres pour établir à Sidi-Mabrouk le quartier-général et régler les emplacemens des troupes, les généraux Valée et Rohault de Fleury, accompagnés du colonel de Tournemine, chef d’état-major de l’artillerie, faisaient une reconnaissance détaillée de la position. L’urgence d’occuper sans retard le Coudiat-Aty en fut la conséquence naturelle. L’armée, qui avait exactement suivi de Bône à Constantine le chemin tracé par la première expédition, n’avait pas à choisir pour l’attaque une position meilleure, car celle-ci était absolument la seule à prendre. Ce furent la 3e et la 4e brigades qui furent chargées de l’occuper, ce qu’elles firent aussitôt sans opposition. On remarqua seulement qu’au passage du Roummel le capitaine du génie Rabier, aide-de-camp du général de Fleury, fut tué par un boulet presque à l’endroit même où le fourrier du 17e léger avait eu la tête emportée en pareille circonstance, l’année précédente.

Vu du Mansoura, l’aspect de Constantine n’avait pas changé notablement depuis l’attaque de 1836, si ce n’est qu’à côté de l’ancienne porte d’El-Kantara, qui avait été murée, le bey en avait fait ouvrir une autre dans un rentrant dérobé aux vues de l’artillerie, et que la porte ainsi couverte était flanquée de deux batteries nouvelles. c’était sur le front de Coudiat-Aty que les anciens pouvaient signaler aux nouveaux des modifications importantes. D’abord toutes les constructions extérieures, les maisons du faubourg, la mosquée, sauf le minaret, seul témoin resté debout de l’attaque de Duvivier dans la nuit du 24 novembre, le Bardo même, tout avait été démoli. Au pied de la muraille, on avait escarpé le talus ; au sommet, au-dessus des batteries casematées, tout le long du chemin de ronde, des créneaux découpaient le parapet des bastions et des courtines ; les maisons qu’on apercevait au-delà du mur d’enceinte, surtout la haute caserne des janissaires, étaient également crénelées. De même qu’à Bab-el-Kantara, la porte El-Raïba avait été reculée