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revenait aussi cher. Il tint parole et repartit le soir même pour son campement à Texas-Hill. Là, comme tous les mineurs, il eut des alternatives de bonne et de mauvaise fortune, mais, comme la plupart des mineurs aussi, tellement épris de cette existence aventureuse, qu’il prospectait en tous sens, s’enfonçant de plus en plus dans l’intérieur à mesure que les placers s’épuisaient. Quatre ans après sa malencontreuse visite à San-Francisco, Maguire, à la suite d’une chute de cheval, venait échouer à l’hôpital de Mokelumne-Hill. Grâce à sa robuste constitution, il entrait en convalescence et se préparait, sans une piastre dans sa poche, à reprendre le chemin des mines, quand un jeune Américain, dont la tenue correcte et la mise recherchée dénotaient un habitant de San-Francisco, vint lui dire qu’il était chargé, par une des grandes maisons de commerce de cette ville, de s’informer à quel prix il serait disposé à rétrocéder ses terrains de la rue Stockton. Maguire ne se rappelait plus qu’il en était propriétaire. Son interlocuteur lui dit qu’après l’avoir vainement cherché dans les mines du Sud, il avait enfin réussi à retrouver sa piste. Il conclut en l’invitant à se rendre avec lui à San-Francisco, offrant de défrayer son voyage. Tom Maguire partit, s’aboucha avec les chefs de la maison, qui lui offrirent 10,000 dollars de chacun de ses lots. C’était ce qu’ils valaient en effet. Maguire encaissa trois cents et quelques mille francs et repartit pour les États-Unis, bénissant son étoile et protestant hautement qu’à tout prendre, il n’y avait rien de tel pour un honnête mineur que de courir une bordée de temps à autre.

Au commencement de 1850, San-Francisco comptait déjà un assez grand nombre de magasins construits en bois. La population totale de l’état dépassait cent mille âmes, et ce chiffre grossissait; les arrivages par mer étaient d’environ deux par jour. Bon nombre de ces navires apportaient de deux à trois cents émigrans. Par la voie des plaines les caravanes se succédaient. En octobre 1849, le premier navire à vapeur, le Mac-Kim, destiné à relier San-Francisco à la région des mines, remonta le Sacramento. Mal construit et plus mal aménagé, il mettait quatorze heures pour faire ce voyage de 120 milles et prenait 150 francs par voyageur, nourriture et coucher non compris. Ce n’en était pas moins un grand progrès et une grande économie, les mineurs n’ayant jusque-là d’autres moyens de gagner les placers qu’en frétant et naviguant eux-mêmes des chaloupes pontées ou des goélettes qui mettaient plusieurs jours à effectuer cette traversée. Le succès du Mac-Kim amena sur la même route le Senator, plus rapide et mieux construit. Les deux navires alternaient, et chaque jour il y eut un départ régulier pour les mines.

La même année on fit une tentative pour relier San-Francisco à