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185,000 malades, il n’y en avait pas un qu’on eût enfermé sans une bonne et claire démonstration qu’il devait être mis en traitement. » Ne nous plaignons pas, au reste, de ces défiances invétérées de l’opinion publique, qui, même lorsqu’elles dépassent le but, tiennent du moins en haleine la vigilance du parlement, impriment une crainte salutaire aux directeurs d’asiles que leur conscience ne protégerait pas assez contre eux-mêmes et contre des sollicitations intéressées.

Les formalités varient selon qu’il s’agit de placemens d’office, prescrits par les dépositaires de l’autorité publique, ou de placemens volontaires, effectués par les particuliers. Les premiers ont presque toujours pour objet des indigens : lorsqu’on peut les conserver à domicile, le médecin des pauvres leur doit une visite trimestrielle, suivie d’un rapport au bureau des commissioners et au greffier des juges de paix du comté ou du bourg ; mais il semble que ces prescriptions aient grand’peine à passer dans la pratique. Au 31 décembre 1882, le nombre de ces indigens ne dépassait pas 6,255, ayant à peine augmenté de 400 depuis 1859, tandis que les indigens placés dans des établissemens s’élèvent de 25,984 à 62,587. Ceux-ci sont donc dix fois plus nombreux, et voici comment on procède à leur égard. Le médecin des pauvres constate-t-il qu’un indigent est dans un état de folie qui nécessite le placement, il en informe par écrit les officiers de charité des paroisses, qui, à leur tour, avisent d’urgence le juge de paix du canton ou du bourg. Ce magistrat se fait amener ou va trouver à son domicile l’aliéné présumé, et, assisté par un médecin, délivre, s’il y a lieu, une ordonnance. Médecin, officiers de charité, juge de paix, n’ont pas plus de trois jours chacun pour se conformer à ces règles. Au besoin, lorsqu’on ne peut amener le malade devant le magistrat, un ministre de la religion de la paroisse et un officier de charité, accompagnés d’un médecin, peuvent délivrer l’ordonnance de placement.

Quant à l’aliéné non indigent, le législateur a cru devoir lui épargner l’intervention du juge de paix, qu’il remplace par une demande de placement signée d’un parent ou d’un ami et par deux certificats de médecins. La demande indique l’état civil du signataire et du malade, les relations qui les unissent, le jour, le lieu où ils se sont vus. Les certificats médicaux entrent dans de minutieux détails et n’attestent pas moins la sollicitude du bureau des commissioners. Lorsque, en cas d’urgence, on n’aura pu produire qu’un seul certificat, il faudra en apporter deux autres dans le délai de trois jours. Une fois interné, l’aliéné a d’autres garanties : le journal médical et le case book, deux registres d’observations tenus par le médecin traitant, les visites obligatoires et répétées des commissioners, des officiers charitables des paroisses, des comités de visiteurs