Page:Revue des Deux Mondes - 1886 - tome 76.djvu/59

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

le contraire, nous pouvons les tenir tous pour authentiques et nous en servir avec sécurité. Ils n’ont pas seulement pour nous cet avantage de jeter beaucoup de lumière sur la politique du prince ; comme Constantin les a écrits lui-même ou inspirés, qu’il était, par sa nature et son éducation, un beau parleur, qui aimait à discourir, et qui transformait volontiers des actes officiels en morceaux d’éloquence, ils nous permettent de connaître l’homme et de le juger.


I

Au commencement de l’année 311, Constantin se préparait à faire la guerre à Maxence. Il y avait cinq ans à peine qu’il était empereur à la place de Constance Chlore, son père ; mais ces cinq années avaient été bien employées. Politique habile et vaillant soldat, il avait su empêcher les Franks de passer le Rhin et maintenir la paix intérieure. La Bretagne et la Gaule, qui formaient ses états, étaient tranquilles sous sa domination ; après s’y être solidement établi, il allait en sortir pour tenter la fortune au dehors. A la tête d’une bonne armée, il prenait le chemin de l’Italie et marchait sur Rome.

La situation de l’empire n’était pas alors aussi prospère que quelques années auparavant, lorsque Dioclétien célébrait avec tant de pompe l’anniversaire de ses vingt ans de règne. Cependant on vivait encore de l’impulsion que le grand empereur avait donnée ; les ennemis du dehors ne se hasardaient que timidement à recommencer leurs attaques, et la plus grande partie du monde était en paix. En somme, malgré les nuages qui se montraient à l’horizon, on pouvait se trouver heureux, surtout quand on se souvenait des crises effroyables que l’empire avait traversées à la fin du siècle précédent. Jamais il n’avait paru plus près de périr ; un moment, sous Gallien, la machine fut tout à fait sur le point de se disloquer. Les provinces, que les légions ne pouvaient plus défendre, songèrent à se protéger elles-mêmes et se donnèrent, des chefs : il y eut trente empereurs à la fois. Heureusement, Rome n’a jamais manqué de bons généraux : elle fut sauvée par quelques vaillans hommes de guerre qui arrêtèrent les barbares et reconquirent les provinces ; c’étaient Claude le Gothique, Aurélien, Probus, Dioclétien surtout, qui eut sur ses prédécesseurs l’avantage de régner vingt ans, tandis qu’ils n’avaient fait que paraître sur le trône. Grâce à lui et aux collègues qu’il s’était donnés, le mal fut réparé, l’empire retrouva la paix et la force ; on se remit à espérer, et il sembla qu’au sortir de cet orage, les jours des Antonins et des Sévères allaient recommencer.

Par malheur, Dioclétien, qui avait si bien réussi à pacifier l’empire, fut moins habile pour l’organiser. On comprend bien qu’il se soit décidé à diviser le pouvoir entre plusieurs princes : chaque