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confédérés n’avaient plus qu’à se disperser, et le vainqueur, longeant l’Oronte, prenait Hamath, puis tournait à l’est, gagnait Kaloupou, aujourd’hui Alep, et Patina, depuis Batnæ. De là à Gargamich et à l’Euphrate, il n’y a qu’une courte et facile étape.

Après chacune de ces expéditions, les princes syriens, jusqu’à la mort de celui qui les avait domptés, payaient les tributs et fournissaient les continuons militaires auxquels ils avaient été taxés ; mais, à chaque changement de règne, la révolte éclatait et tout était à recommencer. Durant trois ou quatre siècles, la Syrie fut ainsi rattachée à l’Egypte, mais par un lien très lâche, qui menaçait toujours de se dénouer. Sous les Toutmès et les Ramsès comme sous Psammétique et Amasis, comme plus tard sous les Ptolémées, comme hier encore sous Méhémet-Ali et Ibrahim-Pacha, l’Egypte n’a jamais possédé la Syrie qu’à titre précaire ; l’Egypte est trop nettement séparée par la nature du reste du monde et, par suite, son peuple doit au milieu où il s’est développé des caractères trop particuliers pour qu’il puisse y avoir entre elle et aucune autre société voisine même un commencement d’assimilation et de fusion.

Toutmès Ier avait frayé la voie à ses prédécesseurs ; mais Toutmès III est le premier pharaon qui ait poussé jusqu’à Gargamich. L’inscription funéraire d’un de ses généraux donne quelques détails sur le siège de cette ville et sur les stratagèmes employés par la garnison pour en retarder la chute. Parmi les tributaires des trente-troisième et trente-neuvième année du règne, on voit figurer la grande terre de Khiti, qui a livré des esclaves, des pierres précieuses, des lingots d’or et d’argent, des chariots, du bétail. La Syrie reprit son indépendance sous les derniers rois de la dix-huitième dynastie. Le fondateur de la dix-neuvième, Ramsès Ier, y ramena les armées égyptiennes ; mais, sans doute pour s’assurer la possession de la partie méridionale de cette contrée, il parait avoir traité avec les Khiti sur un pied d’égalité, avoir conclu avec leur roi Sapalel une alliance offensive et défensive. Ces relations amicales ne durèrent pas ; dès le commencement de son règne, Seti est en guerre avec Sapalel. Les sculptures de la grande salle du temple d’Ammon, à Karnak, représentent les principaux épisodes de cette campagne ; on y voit fuir devant Seti victorieux les Khiti, montés pour la plupart, trois par trois, sur des chars de guerre ; le roi s’empare d’un grand nombre de prisonniers et recueille un riche butin. La légende qui accompagne le tableau porte ces mots : « Voici la race perverse des Khiti ; Sa Majesté en a fait un grand massacre. »

Malgré ces vanteries officielles, malgré les épithètes méprisantes que la chancellerie thébaine ne cesse de prodiguer aux Khiti, les temps étaient changés. Seti fut forcé de conclure avec le successeur