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aux mains du gouvernement, et, sur ce dernier total, 93 millions seulement constituent la représentation de certificats d’argent émis, et appartiennent au public. Si le monnayage est continué, le résultat sera la substitution forcée de l’argent à l’or pour tous les paiemens généraux du gouvernement. Le moment viendra où la monnaie de ce métal se retirera de la circulation et fera prime. L’argent restera seul; au lieu d’un accroissement de circulating medium, on verra se produire une contraction funeste à tous les intérêts. » Après un long exposé des diverses phases de la question, le message déclare que le stock de dollars argent est désormais plus que suffisant pour satisfaire à tous les besoins du peuple et contenter même les gens que de pures considérations sentimentales ont amenés à prendre position dans la question ; que d’ailleurs si les dollars venaient à manquer jamais, rien ne serait plus simple que de recommencer à en frapper. « Je ne vous demande pas de vous prononcer contre une circulation d’argent. Laissons ce soin à l’avenir. En attendant, nous avons plus de dollars argent que nous n’en pouvons disposer. Quel inconvénient peut-il y avoir à suspendre la frappe jusqu’à ce que nous ayons épuisé le stock que nous avons en mains? »

Le président, aux États-Unis, n’a aucune initiative en matière législative, mais la constitution lui permet et même lui prescrit, soit directement par ses messages, soit indirectement par les rapports annuels de ses ministres, d’adresser au congrès des recommandations, de plaider l’urgence de telles mesures qui lui paraissent utiles ou indispensables, d’insister sur les inconvéniens de lois qui lui semblent fâcheuses et nuisibles. Selon l’autorité que lui donnent son caractère, la force de son parti, la popularité dont il jouit, ou l’indifférence que professe à son égard la masse de la nation, le congrès accorde à ses recommandations une attention plus ou moins respectueuse. Il est arrivé souvent que, dans tout le cours d’une session, pas une des recommandations du message annuel n’a été honorée d’une tentative de législation. M. Cleveland n’avait pas ce malheur à redouter pour la question de l’argent. Celle-ci a été discutée, et très vivement, dans la session actuelle, mais il est devenu de plus en plus douteux que le président démocrate obtienne de sa majorité ce qu’il lui demande.

Il est possible, au contraire, que la question, comme il est arrivé souvent dans des cas analogues aux États-Unis et ailleurs, soit résolue par un compromis. Entre les solutions extrêmes, on cherche à introduire d’ingénieux tempéramens, et souvent c’est à ces derniers venus que reste la victoire. On s’est fort occupé, dans les derniers mois de 1885, à Washington, à New-York et à Londres,