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états de l’Est et surtout celui de New-York qui, dans la balance électorale présidentielle avait jeté en sa faveur le poids de ses 35 suffrages. Il ne pouvait oublier que, même dans l’état de New-York, il n’avait eu que mille voix de majorité et que, abandonné par les Irlandais et les Tammanistes, il n’eût certainement pas été élu sans le concours des classes commerçantes et des républicains indépendans, tous gens convaincus que l’obstination dans la politique du silver bill doit provoquer à bref délai une crise financière.

La netteté avec laquelle le président venait de prendre position détermina les anti-silverits à faire une tentative pour enlever pendant les derniers jours du 48e congrès un bill autorisant une suspension éventuelle du monnayage de l’argent. Une proposition dans ce sens fut repoussée dans la chambre par 150 voix (118 démocrates et 32 républicains) contre 118 (54 démocrates et 64 républicains). C’était le 26 février. Le congrès allait se séparer le 4 mars. Après ce premier engagement, où les adversaires s’étaient comptés et où les partisans du dollar honnête avaient été battus, le président ne ralliant pas à son opinion même le tiers de la représentation de son parti, la question devait nécessairement rester près d’une année encore pendante. Le sort du silver bill était remis au 49e congrès. Or les élections de novembre 1884 avaient produit ce résultat curieux qu’au moment où un président républicain était remplacé par un président démocrate, une chambre des représentans où les démocrates avaient eu pendant deux ans une majorité écrasante de 75 voix faisait place à une autre où cette majorité se trouvait réduite de moitié. M. Cleveland avait quelque droit d’espérer que le 49e congrès, par cela même que l’élément républicain y serait renforcé, ferait une moindre opposition à la suspension du monnayage obligatoire ; mais le congrès ne devait se réunir légalement qu’en décembre 1885, et le président ne se souciait pas de le convoquer par anticipation en session extraordinaire pour l’examen d’une question où le triomphe des vues de l’administration n’était que trop douteux.

Si la question était déjà suffisamment grave au début de l’année 1885, comme l’indiquaient les plaintes de M. M’Culloch, elle a pris dans la seconde moitié de cette année un caractère tout à fait aigu. Au mois de juillet notamment, le gouvernement des États-Unis poussa un véritable cri d’alarme. Comme le paiement des droits de douane, la principale source qui alimente les encaissemens du trésor, s’effectuait de plus en plus en monnaies d’argent ou en certificats représentatifs de ces monnaies, il vint un moment où le trésor n’eut plus à sa disposition que 16 millions de dollars en or. Le nouveau secrétaire du trésor, M. Daniel Manning, politicien émérite du parti démocratique, financier distingué de l’état de New-York, partageant