Page:Revue des Deux Mondes - 1886 - tome 75.djvu/462

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

femme et la mère de l’Hippolyte de la Comédie-Française. Ils sont empanachés et harnachés plus galamment que rue de Richelieu, avec un air de fantaisie plus libre et plus coquet ; ils ressemblent à des héros de plafond peint plutôt qu’à des héros de tragédie ; de cette manière, ils sont moins imposans à voir et plus gentils : cependant cela nous inquiète. Ah ! ils parlent en prose ; pourtant ils discourent encore avec pompe, et même avec une prétention nouvelle : tout ceci est singulier. Est-ce Thésée avec sa cour ? ou bien n’est-ce pas une mascarade ? Est-ce des acteurs costumés pour représenter les anciens ? ou bien pour représenter des seigneurs déguisés en Thésée et en contemporains de Thésée ? Ou bien encore ces acteurs demandent-ils qu’on ne prenne leurs personnages au sérieux qu’à moitié ? Jouent-ils une sorte de pantomime avec paroles ? Quoi qu’il en soit, le mariage du roi (pourquoi l’appelle-t-on « le duc » d’Athènes ? ) ce mariage et ce qui s’ensuivra, voilà évidemment le sujet de la pièce.

Deux couples de jeunes gens interviennent : Hermia et Lysandre, Hélène et Démétrius, toutes personnes de la cour. Hermia est recherchée en même temps de Démétrius et de Lysandre ; elle est promise au premier par son père, au second par son cœur ; Hélène a été aimée par Démétrius et l’aime encore. Lysandre donne rendez-vous à Hermia dans le bois d’Athènes ; Hélène, qui le sait, y donne rendez-vous à Démétrius. Voilà qui présage un imbroglio : ne serait-ce plus une pantomime ? Serait-ce un vaudeville ?

C’est une comédie, à présent ! aussi étrangère à ce vaudeville que ce vaudeville à ce ballet : une comédie sur les comédiens. Des artisans, sous le prétexte de fêter par une représentation les noces de Thésée, se distribuent des rôles et montrent déjà, en cette occasion, les travers et les ridicules que la chronique attribue aux acteurs d’aujourd’hui. C’est assez drôle ; mais où allons-nous ? Dans le bois d’Athènes, voilà tout ce qu’il y a de sûr ; car nos artisans, pour que nous les y retrouvions avec nos amoureux, ont la complaisance d’y aller répéter leur drame.

Nous y voilà, dans ce bois ; et, maintenant, c’est une féerie ! Nous devions bien penser que c’en serait une, d’après le titre et quelques souvenirs ; mais l’attendions-nous encore ? — Il va sans dire que ce ne sera pas une féerie comme les autres, comme celles du Châtelet ou de la Gaité : Shakspeare n’est pas un arrangeur de trucs, dont MM. Anicet Bourgeois et Laloue, Cogniard frères ou Clairville et C° continuent le commerce. — Pourtant voici le roi des génies, un bel homme à voix forte, majestueux comme on l’est d’ordinaire en son emploi ; et la reine des fées, avec ses atours habituels, sa perruque rousse endiamantés de verroterie et sa diction vibrante. Ils se disputent, comme toujours, et, cette fois encore, pour une vétille. Une différence, seulement : nous