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Zeus lui fait porter, il répond par de mystérieuses menaces. L’usurpateur du ciel s’en irrite. L’ouragan se déchaîne, tous les vents bondissent, le ciel et la mer se confondent ; de sa rauque voix, le tonnerre mugit et l’éclair brille en serpens de feu. « Ah ! Zeus me livre l’assaut suprême ! O ma mère ! O ciel, commune lumière où roule l’immensité, voyez ce que je souffre pour la justice. » La terre déracinée tremble sur sa base ; le roc où Prométhée est enchaîné, s’écroule, mais avant d’être précipité au Tartare, le Titan a jeté aux hommes une dernière parole : « La divinité haineuse tombera du ciel et le règne de la justice arrivera. »

L’espérance qu’Hésiode laissait dans le vase de Pandore, Eschyle l’a mise au cœur de l’humanité, et nous la gardons.


III

Pas plus que les Romains, les Grecs n’ont eu des livres sacrés contenant le dogme, ni une caste sacerdotale chargée de l’enseigner. La croyance ne fut donc jamais fixée par un texte incommutable ; elle resta livrée aux caprices de l’imagination populaire et aux fantaisies des poètes et des artistes, les seuls théologiens de l’hellénisme. Le poète, qui aime les images, le peuple, qui, comme l’enfant, en voit partout, ne pouvaient concevoir un Olympe qui se perdit dans l’infini des cieux ; ils le mirent près de la terre et ils diminuèrent encore la distance qui séparait les dieux des hommes en peuplant les avenues de l’Olympe de demi-dieux et de héros : ainsi ont fait presque tous les peuples de race aryenne.

Les Grecs donnèrent le nom de héros à des hommes qu’ils crurent, sur la foi de leurs poètes, nés de dieux et de créatures humaines, ou devenus célèbres par leurs exploits et leurs services. À ces « fils de Zeus » ils rendaient un culte qui fut d’abord sans libations ni sacrifices, mais avec des prières et des honneurs funèbres ; ils les vénéraient comme des génies tutélaires qui veillaient sur leurs adorateurs, les secouraient dans l’infortune et leur envoyaient des songes prophétiques. Tels étaient non-seulement Hercule, Thésée, Jason, Persée, etc., mais des chefs de migrations, des fondateurs de villes, des patrons de familles ou de corporations, même des hommes qui n’avaient été remarquables que par leurs qualités physiques. Hérodote nous a conservé un fait qui est bien grec : Philippe de Crotone fut, après sa mort, vénéré comme un héros, à cause de sa beauté, « qui surpassait celle de tous les hommes de son temps. » L’historien pense lui-même comme les Crotoniates : il ne se demande pas si Xerxès avait des qualités vraiment royales : « Dans son immense armée, dit-il, nul, par sa beauté, n’était plus