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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.




31 décembre.


Un des attraits mystérieux et saisissans de cette dernière heure de décembre qui va sonner encore une fois, qui va séparer deux années en s’envolant à son tour, c’est qu'on ne sait pas ce que réserve cette année nouvelle où nous entrons, où nous glissons, pour ainsi dire, sans y prendre garde. Elle passera sans doute, comme bien d’autres, comme toutes celles qui l’ont précédée et dont quelques-unes auraient fait reculer d’effroi si on avait pu prévoir d’avance ce qu'elles cachaient, si on n’avait eu le bienfait, à la fois cruel et doux, de l’ignorance des choses futures; elle tombera à son tour à l’heure voulue dans le grand abîme où tout disparaît et se confond. Pour le moment, elle est l’inconnu, elle peut être un objet de crainte, elle peut être aussi un objet d'espérance. On n’en sait rien, l’avenir le plus rapproché reste sous le voile ; mais, si l’on ignore ce que produira l’année nouvelle, même ce que sera l’avenir de demain, ce qu'on sait bien, c’est ce qu'a produit l’année qui finit, ce qu'a été ce passé d’hier, qui fuit déjà derrière nous avec son cortège d’erreurs, de faux calculs, de débats stériles, d'incidens médiocres dont on est réduit, bon gré mal gré, à porter le poids en entrant dans une période nouvelle. Cette année 1885, dont l'histoire se clôt aujourd'hui et qui n’a plus rien à nous apprendre, elle n’aura pas été, d’une certaine façon, si l’on veut, une ère exceptionnelle de grandes crises publiques; elle n’a vu ni la guerre étrangère,