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globe, d’autre part dans les astres lointains dont proviennent les météorites. Partout se montrent les effets d’une ancienne et vaste oxydation. Ainsi s’explique simplement et expérimentalement le privilège d’ubiquité du péridot : il est en quelque sorte la scorie universelle.

De même qu’une forêt montre d’un seul coup d’œil la vie végétale à tous ses âges, l’univers nous présente des astres à toutes les phases de leur existence, depuis la chaleur et l’incandescence jusqu’à l’état obscur et au refroidissement avancé. Nous venons de voir, en outre, que quelques-uns sont en démolition et que leurs débris se précipitent sur d’autres, auxquels ils restent annexés. Les chutes si nombreuses constatées sur notre globe nous apprennent que le fait, loin d’être une exception, correspond à une sorte de régime habituel. Selon toute vraisemblance, et comme le pensait Descartes, le soleil nous représente aujourd’hui une phase originelle de notre globe. A l’inverse, ce dernier, par son écorce et les antiques évolutions qui y sont clairement enregistrées, nous annonce l’avenir du soleil et de bien d’autres corps célestes actuellement lumineux. Ces deux termes de comparaison permettent à l’homme d’entrevoir l’enchaînement des transformations des astres. Dans cet ordre de spéculation, la constitution des masses météoritiques nous apprend de plus avec certitude que les corps célestes dont elles émanent, quels qu’ils soient, ont une histoire chimique tout à fait semblable à celle des régions profondes de notre planète, histoire que nous venons de chercher à expliquer.

Ainsi, tandis que l’exploration du ciel nous révèle des millions de mondes au-delà de notre système solaire, notre planète, si petite qu’elle soit, nous offre un exemplaire des changemens subis par les astres et un épisode de l’histoire générale de l’univers. Les météorites forment comme un trait d’union entre la succession des époques de la terre, objet de la géologie, et la constitution du ciel, but de l’astronomie. Ces deux belles parties des connaissances humaines se complètent par les lumières qu’elles reflètent l’une sur l’autre : le tableau des mondes, déjà sublime en lui-même, s’agrandit singulièrement dans ses horizons, lorsque le regard plonge tout à la fois dans les profondeurs des espaces comme dans l’immensité des temps passés et des temps futurs.


A. DAUBREE.