Page:Revue des Deux Mondes - 1885 - tome 72.djvu/589

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

qui s’attachait à l’école de Fontainebleau, il continua modestement la tradition de ses ancêtres et n’eut d’autre ambition que de rester, comme eux, peintre de portraits. Il eut la bonne fortune d’arriver au moment où le goût français commençait à se lasser des grandes attitudes des Italiens de la décadence. On se prit de respect pour l’art patient et sincère qu’il représentait, pour le labeur honnête et sans fracas qui était le sien ; on alla vers lui comme on vient à la vérité, quand on est las de ce qui est faux. Quoiqu’en faveur auprès du roi dès 1541, ce n’est guère qu’à la fin du règne, c’est-à-dire vers 1547, qu’il est vraiment en vogue auprès des grands. Le premier document authentique qu’on trouve sur ses travaux date de la mort de François Ier. Les comptes royaux le montrent tenant une grande place dans les préparatifs des funérailles royales, et faisant revivre le feu roi en des effigies parlantes, exécutées « près du vif, » comme on disait gravement alors… De 1547 à 1551 son nom n’est pas inscrit sur les registres de la couronne. Peut-être, durant ces quatre années, oublie-t-on qu’on a droit de l’employer comme artisan et le laisse-t-on alors travailler comme artiste… Au mois de mars 1551, on le retrouve occupé à orner de chiffres et de croissans enlacés le coffre (appelé meet) d’un chariot que venait de construire « Francisque de Carpy, menuysier italien. » C’était sans doute une « de ces litières tant dorées, tant superbement couvertes et painctes de tant de belles devises, » dont parle Brantôme. Quelque goût qu’on pût mettre dans un tel travail, était-il besoin d’y employer un vrai peintre de portraits ? Chose singulière ! plus les travaux auxquels on assujettissait le peintre-valet de chambre étaient insignifians, plus on prenait soin de les énumérer jusque dans leurs moindres détails… En 1559, le coup de lance de Montgomery met fin brusquement au règne d’Henri II, et voilà François Clouet qui recommence, pour ces nouvelles funérailles, ce qu’il avait fait douze ans auparavant pour les funérailles de François Ier. Que n’avons-nous au moins les effigies de cire coloriée, dans lesquelles le peuple revoyait son roi à l’heure suprême où l’on le descendait dans la tombe ? Nous y trouverions de véridiques images de la mort, ou plutôt de cet état intermédiaire et solennel qui est bien véritablement le repos de la vie, et qui nous apparaît comme la négation du néant au moment même où le néant vient réclamer son droit. De pareils portraits, exécutés par des peintres du mérite de François Clouet, étaient de vraies œuvres d’art. Nous en pouvons juger par le buste d’Henri IV, précieusement gardé dans les collections de Chantilly. Cette cire a été faite par un artiste qui était loin sans doute de valoir Janet. Cependant avec quelle émotion ne la regarde-t-on pas ! De quelle vérité stupéfiante