Page:Revue des Deux Mondes - 1885 - tome 71.djvu/703

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

pas fâché d’y avoir dit ça. On fait rarement l’honneur aux belles-mères de leur consacrer une chanson tout entière, mais en revanche il n’en est guère où elles ne reçoivent en passant quelque atteinte. Voici maintenant les maris trompés : Vous êtes marié, monsieur Prosper; Ça n’ se trouve pas dans la plaine des Vertus; Joseph est en voyage. Puisque la matière est si réjouissante, on ne voit pas, en effet, pourquoi le Palais-Royal ou la Comédie-Française en prétendraient garder le monopole. Et nous nous acheminons par elle à la variété grivoise ou même polissonne : le Jupon de Madelon; Faut-y r’ garder, ou n’ faut-y pas? la Clé de ma voisine; On n’est pas bête comme ça :


Jugez comme il est mazette ;
Dimanche, j’allons au bois
Pour y cueillir la noisette,
V’là t’y pas que j’ l’ aperçois !
Il m’ dit : « Bonjour, Pétronille ! »
Et puis ça s’est borné là.
Pourtant, j’ suis un’ ben bonne fille,
Mais on n’est pas bête comme ça!
Oh ! la ! la !
Mais on n’est pas bête comme ça!


Cette variété n’est pas la moins riche de toutes, et quand elle serait la plus pauvre, elle serait tout de même encore la plus riche, parce que, dans la chansonnette ou dans le refrain même le plus insignifiant, l’artiste, avec un clignement d’yeux, un geste, un sourire, excelle à introduire la grivoiserie qui ne s’y trouve pas. Le Français a toujours aimé la gaudriole :


Moi, des sujets polissons
Le ton m’affriole.
Minerve, dans mes chansons,
Fait la cabriole.
De ma grand’mère, après tout,
Tartufes, je tiens le goût
De la gaudriole
O gué!
De la gaudriole !


A la chanson a polissonne » je voudrais pouvoir joindre ici la chanson plus ou moins « bachique » : En r’ venant de Suresnes ; Encore un p’ tit verr’ d’ vin; Buvons à tous les vins de France. Mais, il m’en coûte à dire, l’inspiration n’y est plus, et si l’on boit toujours autant, je pense, ou davantage, il semble qu’on s’en vante moins volontiers que nos pères, qu’on porte moins haut l’orgueil du vignoble national, qu’on ne croie pas enfin si fermement aux vertus de ce « jus tout-puissant de la treille. » Pourtant, couplet du Vigneron patriote ne laisse pas d’avoir son prix :