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report ne dépassèrent guère 4 à 5 pour 100, mais les crédits étaient extrêmement discutés, et bien des positions ne purent être reportées. On s’attendait à des défections ; plusieurs maisons de coulisse, dans l’effarement général, prirent le parti de fermer leurs carnets ; il ne se faisait plus de transaction que pour la forme.

Cependant une reprise commençait à se produire sous la double influence d’une appréciation plus calme de ce qui s’était passé au Tonkin et de nouvelles satisfaisantes concernant l’affaire anglo-afghane. Le marché de Londres se raffermissait, tandis que le nôtre était en débâcle ; la détente était à l’ordre du jour entre Londres et Saint-Pétersbourg. La constitution du ministère Brisson était bien accueillie ; la certitude que des préliminaires de paix avaient été réellement signés à Pékin donnait satisfaction aux vœux unanimes de l’opinion publique, qui protestait depuis longtemps contre les insuccès réitérés de la politique de représailles et de gages. On pouvait donc espérer un peu plus de calme et un commencement de guérison pour l’état maladif dans lequel la dernière liquidation avait laissé la place. On savait seulement que d’importantes positions d’acheteurs en valeurs diverses : Suez, Italien, Banque ottomane, Unifiée, Extérieure, restaient en l’air, constituant un danger auquel il fallait parer d’urgence.

C’est dans ces conditions délicates, et dans cet état d’équilibre instable que se trouvait le marché financier, lorsque jeudi la nouvelle d’une rencontre entre Russes et Afghans dans l’Asie centrale est venue de nouveau tout compromettre et tout bouleverser. Le 3 pour 100, qui s’était relevé à 78.50, est tombé à 76. Le 4 1/2 reculait de 109 à 107, l’Italien de 95 à 92, l’Extérieure de 59 à 57, le Hongrois de 79 à 77 ; à Londres et à Berlin, les fonds russes tombaient de sept à huit points. À Londres, les Consolidés fléchissaient de 97 à 94 1/2. Il n’en fallait pas tant pour achever le désarroi. Les dangers que recelait déjà la situation de la place se sont aggravés et multipliés ; toutes les préoccupations se sont concentrées sur une position à la hausse, d’une importance énorme et dont la solidité, jusque-là incontestée, se trouvait, par cette dernière secousse, mise sérieusement en question. Dans la journée de samedi, on a su que de puissans concours étaient assurés en vue de conjurer le péril imminent ; il s’agit maintenant de franchir le pas de la liquidation de quinzaine, et l’on peut croire que le pis est arrivé, à moins, bien entendu, que la guerre n’éclate définitivement entre l’Angleterre et la Russie, calamité que les deux gouvernemens paraissent aussi désireux l’un que l’autre d’éviter ou tout au moins d’ajourner.

L’amélioration qui s’est produite dans la journée du 13 a été générale ; nos fonds et nos valeurs en ont eu cependant le plus grand profit, les titres internationaux étant restés faibles, pour la plupart, sur les