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haleine en préparant dans les ports de guerre, non-seulement la défense de ces ports, mais celle des ports de commerce, et en tentant pour cela, aussi souvent que possible, des essais de mobilisation. Les marins-vétérans, bien organisés et mieux entraînés, seraient le noyau de la défense fixe, en ce qui concerne du moins le personnel, qui n’est pas moins difficile à se procurer et à entretenir que le matériel.

Pour empêcher un ennemi de pénétrer dans un port, pour l’en tenir même à une certaine distance, la défense fixe emploie les torpilles de fond, les torpilles mouillées et les torpilles portées. Les torpilles de fond, ou torpilles dormantes, reposent sur le fond de la mer, et on les fait éclater d’un poste à terre lorsqu’on juge qu’un bâtiment passe au-dessus d’elles. Mais, si elles sont plongées à plus de 20 ou 25 mètres, le résultat de l’explosion est insuffisant, à moins que la charge ne soit énorme et, par suite, peu maniable. Une torpille de 700 kilogrammes de fulmicoton, à une profondeur de 30 mètres, ne possède que 8 ou 9 mètres d’action efficace ; c’est-à-dire qu’un bâtiment passant, au moment de l’explosion, à 9 ou 10 mètres de cette torpille, n’en souffrirait que très peu et ne coulerait certainement pas. Qu’elles soient au fond ou mouillées entre deux eaux, les torpilles ne produisent d’effet que dans des cercles très restreints ; et c’est d’ailleurs ce qui permet de les faire éclater sur des canots, au bout de perches de 7 à 8 mètres, sans qu’il en résulte le moindre dommage pour l’embarcation qui les porte. Mais cette faible étendue de leur rayon d’action rend très difficile la manœuvre des torpilles de fond. Le coup doit partir au moment précis où le bâtiment est au-dessus d’elles. On se sert pour y arriver de deux observateurs : l’un se trouve dans le prolongement de la ligne des torpilles et indique l’instant où l’ennemi traverse cette ligne ; l’autre, placé sur le prolongement de la torpille milieu, voit sur quelle torpille est l’ennemi et met en place le bouchon électrique d’explosion. Si l’ennemi vient le jour, les observateurs peuvent jusqu’à un certain point répondre du succès, en admettant toutefois, chose toujours douteuse, que la fumée de l’artillerie leur permette de viser ; mais lorsque les attaques ont lieu la nuit, on a beau se servir de la lumière électrique pour éclairer les assaillans, on risque fort de n’arriver par là qu’à leur indiquer le lieu où sont fixées les torpilles, et il paraît bien difficile de compter sur une réussite quelconque. Ce sont pourtant les entreprises de nuit qu’il faut songer à prévenir ; car elles sont les plus probables et les plus dangereuses de toutes. La torpille de fond exigeant une manœuvre si délicate, étant d’ailleurs très lourde, très longue à mettre en place, demandant un matériel considérable et coûteux, un personnel spécial, nombreux et très exercé, et n’étant rien moins que sûre dans ses effets, ne