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On reste confondu si l’on calcule, rien que d’après les volumes subsistons, ce qu’écrivait en une semaine un Pomponne ou un Feuquière. Il n’y avait de comparable que l’assiduité du roi, cent fois attestée, à se faire lire ou à lire lui-même les dépêches reçues du dehors et les minutes préparées pour les principales réponses. Il les voulait précises, substantielles et justes. « Je ne vous dirai rien de nouveau, écrit Pomponne à Courtin (18 novembre 1672), quand je vous assurerai que le roi voit toujours vos dépêches avec beaucoup de plaisir. C’est assez que vous connoissez pour cela la délicatesse du goût de Sa Majesté. »

L’obstacle des distances et le temps considérable qu’il fallait aux ordres royaux et aux dépêches ministérielles pour les franchir avaient pour conséquence nécessaire une large part d’initiative et de responsabilité laissée aux représentans du roi, et c’est ce qui contribue à la haute valeur de ces vastes correspondances ; mais il faut se représenter aussi, pour apprécier les dévoûmens, de quelles difficultés matérielles, — d’autant plus pénibles quand il s’agissait de pays lointains comme le paraissait alors la Suède ou le Danemark, — l’activité de ces agens diplomatiques était embarrassée. Il leur fallait d’abord transporter a grand’peine avec eux un énorme bagage et un nombreux domestique. « Je n’ai que quarante ballots et vingt-huit personnes, » écrit l’un d’eux. On allait en cinq jours à Dunkerque s’embarquer sur un vaisseau du roi. Cependant la tempête empêche pendant plusieurs jours de suite Courtin de s’embarquer : elle brise au sortir du port plusieurs navires ; quand elle a cessé, il doit attendre encore, jusqu’à ce que le vent devienne favorable. Le vaisseau se rendait à quelque port de Norvège, par exemple à Christiansand ; mais de là il faut à d’Avaux, en février 1693, douze journées pour gagner seulement Gothenbourg. « M. de Béthune vient d’arriver, mande-t-on de Stockholm en janvier 1692. C’est un miracle comment il a pu passer dans une saison si avancée. Comme la tempête l’a contraint d’aborder dans un lieu qui n’est pas un port fréquenté, on a voulu l’empêcher de mettre pied à terre. Ensuite on a défendu aux paysans de lui donner des chevaux, et il est demeuré dans un fort méchant lieu jusqu’à ce que je lui eusse envoyé un ordre du gouverneur de la province sur lequel il a eu ce qui lui était nécessaire pour continuer son voyage. » Le comte de Guiscard, en novembre 1701, subit jusqu’à onze jours de traversée pour aller par mer de l’est à l’ouest de la Baltique, de Revel en Esthonie à Stockholm. — Regnard, l’auteur du Joueur, met six jours pour aller d’Elseneur à Stockholm, et dit qu’il a été très vite. Les trajets par la voie de terre, soit pour franchir la distance du port d’arrivée à la capitale étrangère, soit qu’on ait choisi la route