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de paraître (1794). Le volume suivant était commencé. Force fut de s’arrêter. Le goût public à ce moment n’était guère aux recherches d’histoire religieuse. L’œuvre des bollandistes paraissait destinée à rester à l’état de ruine avant d’avoir été achevée. La reprise du travail semblait même impossible, les tables dressées avec tant de peine et de soins, les livres spéciaux lentement recueillis et nombre d’autres instrumens d’étude ayant été détruits, pillés ou vendus.

Vainement, plusieurs fois, en 1801, 1802 et 1810, le gouvernement français songea à procurer la continuation des Actes des saints. L’indifférence dos agens chargés de s’entremettre, le peu de confiance des religieux survivans, isolés, difficiles à rallier, réfractaires aux anciennes habitudes et oublieux de traditions rompues depuis longues années, l’incertitude du présent, l’insécurité de l’avenir, les têtes tournées vers d’autres soins, tout cela rendit stériles des tentatives conduites d’ailleurs avec peu d’ardeur et de suite.

La question dormit encore vingt-cinq ans et ne se réveilla qu’après la révolution de juillet et l’établissement de la monarchie constitutionnelle en Belgique. À ce moment, vers 1835 ou 1836, on commença à se préoccuper à l’Institut de France de l’achèvement du monument des bollandistes, non qu’il intéressât en effet le grand public, — le nombre est petit de ceux qui trouveraient une prison joyeuse avec le seul amusement des soixante in-folio latins des Acta sanctorum, — mais cette collection était une source précieuse d’informations et de documens pour nombre d’esprits dont les continuateurs de l’Histoire littéraire et de la Gallia christiana avaient le devoir de s’inquiéter. Une société d’hagiographes se forma donc à Paris ; on essaya de négocier l’achat des manuscrits qui avaient survécu au naufrage de 1796. Dans l’ardeur un peu inexpérimentée d’un nouveau zèle, on se faisait fort de donner trois volumes par an et de tout unir en dix ans. M. Guizot, alors ministre de l’instruction publique, promettait l’appui du gouvernement. « Cette entreprise, écrivait-il, — la continuation des Aria, — qui représente un double intérêt sous le point de vue religieux et sous le rapport historique, est digne d’obtenir du gouvernement français la même protection qu’elle a reçue autrefois des divers gouvernemens qui l’ont encouragée de leur appui. Je verrais avec