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de distinction, sous couleur d’apporter au général les complimens du bey, viendraient négocier avec lui des affaires plus sérieuses. Un brick de la marine royale les amena, le 29 octobre, dans le port d’Alger ; on leur fit voir les troupes, les établissemens militaires, tout ce qui pouvait exalter à leurs yeux la grandeur de la France. Le plus autorisé des trois, Sidi-Hassouna, se mit d’accord avec le général. Clauzel, qui chargea M. de Lesseps de donner à l’entente la forme diplomatique. Après être retourné à Tunis avec ses collègues, le plénipotentiaire du bey revint seul à Alger le 0 décembre. Le 15, un arrêté du général en cher prononçait la déchéance de Hadji-Ahmed, bey de la province de Constantine ; le 16, un second arrêté nommait à sa place Sidi-Moustafa, prince de Tunis, frère du bey ; le 18, le général signait avec l’envoyé tunisien une convention par laquelle Sidi-Moustafa s’engageait, sous la garantie de son frère, à payer à la France, comme bey de Constantine, une redevance annuelle d’un million, exceptionnellement réduite à huit cent mille francs pour l’année 1831. On eût dit qu’il suffisait d’un trait de plume pour déposséder Ahmed.

Après Constantine, Oran. De ce côté, la difficulté n’était pas aussi grande ; dès le temps de M. de Bourmont, le bey Hassan avait reconnu la souveraineté de la France ; mais il était vieux, faible et riche ; tout ce qu’il souhaitait, c’était d’aller jouir de sa fortune et d’achever ses jours en Asie ; tout ce qu’il demandait, c’était d’avoir un successeur, et, en attendant, un protecteur ; car ses sujets turbulens n’avaient plus aucun respect pour son autorité. Le 12 décembre, un détachement composé du 21e de ligne, de cinquante chasseurs à cheval, d’une batterie de campagne et d’une section de montagne, de cinquante sapeurs du génie et de vingt-cinq gendarmes, s’embarqua pour Mers-el-Kébir ; il y arriva le lendemain, prit possession de la place et quelques jours après, du fort Saint-Grégoire. La mission du général de Damrémont, qui le commandait, n’allait pas au-delà jusqu’à nouvel ordre ; attentif et prudent, il n’avait qu’à surveiller les événemens et à renseigner le général en chef. On savait que des agens marocains intriguaient dans le beylik en faveur de leur maître, avec un tel succès déjà que les habitans de Tlemcen avaient député à Fez pour faire acte de soumission au sultan de Maroc et que cinq cents hommes de ses troupes, sous les ordres de Mouley-Ali, son beau-frère, étaient venus occuper cette ville importante. Au reçu de ces nouvelles, le général Clauzel avait dépêché, de son propre mouvement, à Tanger, le lieutenant colonel d’état-major Auvray, avec ordre de pénétrer jusqu’au sultan et de lui faire des représentations sérieuses ; c’était pour appuyer sa mission que le général de Damrémont était en même temps envoyé à