Page:Revue des Deux Mondes - 1885 - tome 67.djvu/117

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

lant allemand sont fondées sur la population des communes lors du dernier recensement, diaprés la langue dans laquelle se donne l’instruction religieuse. Il en ressort que la Lorraine annexée compte 240,000 habitans de langue française, et l’Alsace, 70,000 tout au moins. Quoique la population de l’Alsace-Lorraine parle allemand en grande majorité, la France n’a jamais eu de sujets ni de citoyens plus patriotes. Napoléon Ier appréciait fort bien nos conscrits lorsqu’il disait : « Laissez à ces braves gens leur patois alsacien ; ils sabrent toujours en français. »

Dans ses grandes lignes, la délimitation entre la langue française et la langue allemande, avec le flamand et le français, va d’Issimes, dans la vallée de Gressoney, sur le versant sud des Alpes, à Visé, près de Maestricht ; au débouché de la Meuse, en Allemagne, puis de Maestricht à Saint-Omer. En Suisse, on compte 1,900,000 habitans de langue allemande, et Boeckh comprend dans le domaine allemand tout le Luxembourg avec la Hollande entière, peuplés ensemble de 4,270,000 habitans. Malmédy et les localités voisines ont 10,000 habitans parlant français sur le territoire prussien-wallon. Par contre, la Belgique présente plus de 30,000 sujets allemands à proximité des territoires prussiens de la Moselle allemande et en regard de 3,100,000 Flamands sur une population totale de 5,536,654 habitans en 1879. Boeckh évalue aussi à 300,000 environ le nombre des Français de dialecte flamand dans les deux départemens du Nord et du Pas-de-Calais à rattacher au domaine de la langue allemande. Remontant plus au nord, vers la frontière du Danemarck, nous trouvons dans le Sleswig une population mêlée vivant depuis des siècles dans un mouvement de flux et de reflux entre les élémens allemands et danois. Outre la langue danoise et le haut-allemand, des classes cultivées, on parle encore dans ce pays trois idiomes différens qui subsistent les uns à côté des autres le long du littoral et dans les îles basses de la Mer du Nord. Le bas-allemand est usité, dans les îles méridionales, à Pellworm et à Nordstrand, le föringer à l’île de Föhr, le frison à Amram et à Sylt, ainsi que dans les villages de la cote voisine. De même qu’en Alsace-Lorraine, l’administration allemande s’efforce de considérer comme exclusivement allemandes une quantité de communes signalées comme danoises dans les recensemens danois. Aussi la Danske Stats Statistik de Bergsœ indique 201,952 Danois dans le Sleswig en 1860, tandis qu’en 1869, Boeckh, dans l’ouvrage cité plus haut, ne compte plus que 142,940 habitans de langue danoise. Qui a raison, des recenseurs danois ou de l’administration allemande, nous ne pouvons l’affirmer au juste. De part et d’autre, l’intérêt politique explique la tendance à l’exagération dans un sens différent. Ce qui est certain, c’est que le gouvernement pousse à l’adop-