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mort prononcées par l’association. Les Invincibles irlandais, on le voit, procédaient à peu près comme les nihilistes russes.

Les révélations de Carey, de Farrell, de Kavanagh, et les papiers saisis au domicile des détenus, permettaient d’éclaircir certains points restés obscurs dans les récens événemens. Ainsi, M. Parnell se trouvait tout à fait disculpé du soupçon d’avoir pactisé avec les chefs des sociétés secrètes, avec les auteurs ou les complices des assassinats. Il était dans les plus mauvais termes avec eux, et le journal de l’un d’entre eux parlait de lui dans les termes les plus méprisans et les plus violens, précisément parce qu’il n’acceptait pas l’emploi des moyens criminels auxquels les sociétés secrètes avaient recours. On acquit également la preuve que, si l’assassinat de Burke était prémédité, celui de Cavendish était fortuit. Le noble et malheureux jeune homme s’était fait tuer en voulant porter secours à son collaborateur. Ceux qui l’avaient frappé ne savaient même pas qu’ils avaient en face d’eux le membre le plus important de l’administration anglo-irlandaise, et c’est seulement après sa mort qu’ils constatèrent son identité.

Il y eut six condamnations à mort et deux condamnations aux travaux forcés à perpétuité. Sur les six condamnés à mort, cinq furent exécutés. Le sixième eut sa peine commuée en celle des travaux forcés. Carey, quoique le plus coupable, fut acquitté comme dénonciateur. Il n’avait plus rien à craindre du gouvernement, mais il avait tout à craindre de ses anciens amis. Il connaissait trop bien l’organisation et les habitudes des Invincibles pour ne pas être convaincu que sa condamnation devait être prononcée et que le Numéro un avait dû choisir déjà les exécuteurs de la sentence portée contre lui. Il essaya donc de dépister la terrible association. Il resta volontairement en prison un certain temps après le procès, puis il disparut brusquement et l’on crut qu’il avait réussi à s’établir dans un pays étranger et à tromper la vigilance de ses anciens coassociés. Tout à coup, dans le courant du mois de juillet, un télégramme arriva du cap de Bonne-Espérance annonçant qu’il avait été assassiné à bord d’un bateau à vapeur par un Irlandais nommé O’Donnell. Le délateur avait bien essayé, comme on le pensait, de se soustraire à la vengeance qui l’attendait. Il avait changé de nom ; il était parti pour les antipodes ; il avait pris toute sorte de précautions pour ne laisser aucune trace derrière lui. Peine inutile. La police des Invincibles était terriblement bien faite. Ils n’avaient jamais perdu leur homme de vue. L’individu chargé de le mettre à mort s’était embarqué sur le bateau à vapeur en même temps que lui, avait fait toute la traversée avec lui, s’était lié avec lui, et finalement, entre Natal et le cap de