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qu’on sût deviner les causes de l’accident. M. Pasteur apprit aux vinaigriers à cultiver avec pureté le précieux mycoderme, à éviter l’invasion des anguillules et des autres parasites, à ne pas dépasser les limites d’une opération bien menée : il avait remarqué que le mycoderme lui-même, après avoir transformé l’alcool, attaque l’acide acétique et affaiblit le vinaigre.

Comment, sans écrire un volume, pourrait-on entreprendre même le résumé de tous les services rendus par M. Pasteur ? Mais comment aussi ne pas dire un mot de ses recherches sur la maladie des vers à soie ? La fortune de plusieurs départemens du Midi était atteinte, comme elle l’a été depuis par le phylloxéra. Le mal avait été attribué d’abord, par les éducateurs français, à leurs graines, et ils en avaient fait venir d’Italie. Il y eut quelques années de répit. Mais bientôt l’Italie, et même le nord de l’Espagne, étaient atteints du même fléau. Quelquefois les vers mouraient peu de jours après leur éclosion ; quelquefois ils vivaient jusqu’à la mue. On trouvait leurs cadavres par milliers sur les litières. On essaya de nombreux remèdes : la fleur de soufre, les cendres, la suie répandues sur les feuilles de mûriers ou même sur les vers ; puis les fumigations de chlore et d’acide sulfureux. Rien ne réussissait. Les propriétaires, les maires, les conseils municipaux et généraux adressèrent une pétition au sénat, qui nomma une commission : c’est là, dans les circonstances embarrassantes, le moyen, pour les assemblées, de donner satisfaction aux plaignans et de se débarrasser d’un souci. Mais la commission sénatoriale avait M. Dumas pour rapporteur, — et M. Dumas connaissait M. Pasteur. — M. Pasteur, chargé par le gouvernement d’étudier les causes du fléau, s’installait bientôt à Pont-Gisquet, dans le Gard, et commençait des recherches qui furent poursuivies pendant cinq ans. Aujourd’hui, l’étiologie de la maladie, qu’on a appelée la pébrine, est bien connue : on sait que les corpuscules qui abondaient dans les poussières des magnaneries, absorbés par les vers, envahissent le canal intestinal, pénètrent les autres organes et finissent par provoquer sur la peau les taches caractéristiques ; on sait reconnaître ces corpuscules, qui se retrouvent dans les papillons, dans les cocons, dans les œufs des vers à soie ; on sait enfin se garantir du mal en ayant soin d’examiner attentivement les graines au microscope et de ne jamais introduire dans la magnanerie des graines corpusculeuses.


VI.


Ces travaux devaient conduire M. Pasteur à l’étude des maladies contagieuses, et ses recherches antérieures rendaient déjà pro-