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PROMENADES ARCHEOLOGIQUES

LE PAYS DE L'ENEIDE

I.
OSTIE ET LAVINIUM.

Je viens de relire l’Enéide dans le pays où elle est née, sur les lieux mêmes où se passent les événemens qu’elle raconte, et j’y ai pris un plaisir très vif. Je ne veux pas dire assurément que, pour la comprendre, on ait besoin de faire ce long voyage et que la vue de Lavinium ou de Laurente nous ménage des révélations inattendues sur le mérite du grand poème : ce serait une exagération ridicule. Virgile appartient, comme Homère, à cette école de poètes qui mettent l’homme en première ligne et qui ne s’intéressent guère à la nature que dans ses rapports avec lui. Il est rare qu’ils la décrivent pour elle-même, comme nous le faisons aujourd’hui si volontiers. Quand ils nous présentent le tableau d’un incendie qui dévore les moissons ou d’un torrent qui ravage les campagnes, ils ont soin de placer quelque part, sur une hauteur voisine, un laboureur ou un pâtre dont le cœur se serre à la vue de ce désastre :

Stupet inscius alto
Accipiens sonitum saxi de vertice pastor.

Virgile n’est donc pas de ceux qui s’attachent à des descriptions inutiles ; il dépeint les lieux le moins qu’il peut. Seulement nous