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canéphore. Un manteau violet pâle, muni d’un capuchon, la couvre en entier; la fine nuance de ce manteau est harmonieusement rappelée par les glycines en fleurs qui grimpent le long d’une muraille. Dans ce paysage printanier et matinal, tout illuminé de soleil et tout humide de rosée, les robes chiffonnées des communiantes mettent une tache de blanc mat qui vibre sans dissoner. M. Jules Breton expose aussi une toile de plus petite dimension où il a réussi à exprimer un effet de neige qui l’avait frappé dans les plaines de l’Artois. En voici la description par M. Jules Breton lui-même, qui est coloriste avec la plume comme avec le pinceau :


Et la neige scintille et sa blancheur de lis
Se teinte sous le flux enflammé qui l’arrose.
L’ombre de ses replis a des pâleurs d’iris ;
Et comme si neigeaient tous les avrils fleuris,
Sourit la plaine immense, ineffablement rose.


Les Communiantes, de M. Jules Breton, comme aussi le Pardon de Ploumanach, de M. Coessin de La Fosse, l’Abandonnée, de M. Emile Adan, le Pêcheur, de M. Israëls, le Calme, de Mme Demont-Breton, et le Marais d’Arleux, de M. Pierre Billet, où les champs et La mer, bien qu’à l’état accessoire, tiennent une place importante dans la composition, nous amènent devant les paysages et les marines. Dans le Soir, de M. Adrien Moreau, la figure est encore, si l’on peut dire, l’âme du site. C’est une pauvre fillette, quelque chevrière sans doute, vêtue de haillons, les pieds nus, un mouchoir rose sur ses cheveux noirs; assise de profil, les jambes pendantes, au sommet d’un rocher, elle laisse errer son regard sur la campagne qui s’emplit d’ombre. Les bruyères roussâtres et les feuilles mortes qui tapissent le creux du vallon, le ciel dont les nuages se teintent de rose aux lueurs mourantes du soleil disparu à l’horizon et les rochers gris qui se diaprent de lilas dans la pénombre crépusculaire composent une gamme de couleurs d’une douceur infinie, éteinte et harmonieuse comme un fond de pastel. La figure dont le buste se détache en silhouette sur le ciel touche au style par la grâce simple et sévère de l’attitude, et tout le tableau respire une poétique et profonde mélancolie.

M. Heilbuth a posé son chevalet au bord de la Seine. Le fleuve, que traverse, toute remplie d’enfans, la barque du passeur, fuit dans la perspective le long des coteaux ombreux de Bougival ou de Marly. Ce paysage est à la fois très frais d’impression et très chaud de ton. Il a la couleur blonde, la divine couleur blonde de Claude et de Ruysdaël. M. Iwill trouve sur ?s palette les gris fins des ciels et des eaux de la Hollande. Les moulins à vent, la vieille église, le mouvement des barques et des chalands donnent un aspect très pittoresque