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ce tableau, on sent que le fait qu’il représente ne saurait être vrai, et on ne ressent aucune émotion. Que Charette ait ordonné les massacres de mars, c’est possible, bien qu’on l’en ait défendu; qu’il soit venu à Machecoul le 10 mars, bien qu’on dise d’autre part qu’il y est venu le 18 seulement, c’est encore possible. Mais ce qui parait certain, c’est que le Vendéen n’a pas amené des femmes de la noblesse au milieu des massacreurs. Au début de la guerre, Charette était très pieux et disait son chapelet en présence de ses soldats, c’est plus tard seulement qu’il se montra à eux entouré de femmes. Ces femmes d’ailleurs, que l’on appelait par un jeu de mots « les jumens de Charette, » n’étaient point des grandes dames, mais des paysannes. M. Flameng a confondu les personnages et les époques, Souchu avec Charette, 93 avec 94 ; il a trahi l’histoire. Au demeurant, l’épisode fût-il vrai, qu’il était inutile de le rappeler. Il y a d’autres sujets à prendre dans les guerres de la Vendée. Bonchamps blessé à mort et se soulevant de sa civière pour ordonner à ses hommes d’épargner les prisonniers républicains, c’est là un sujet plus grand et plus patriotique que Charette présidant comme à une curée, avec des femmes et des chiens, au massacre de Machecoul.

Il est d’autant plus regrettable que M. Flameng se soit avisé de peindre cette scène, qu’au point de vue technique cet artiste marque de grands progrès. S’il n’a pas renoncé aux scènes de la révolution, au moins a-t-il à peu près rompu avec les procédés impressionnistes ; c’est toujours cela. Son dessin n’est pas toujours très sûr, mais sa touche, suffisamment ferme dans l’ensemble, a parfois beaucoup d’accent. Les femmes qui entourent Charette sont fort coquettement attifées et posées dans de gracieuses attitudes ; le cadavre de la jeune fille est un remarquable morceau de peinture. Quoique la composition soit bien conçue, l’éclairage trop égal met une certaine confusion dans les groupes et dans les plans ; ce parti-pris de lumière fait que les figures manquent un peu de relief et ne se détachent pas nettement les unes des autres. Cela revient à dire que, si les couleurs s’harmonisent et sont en elles-mêmes justes et fines, les valeurs toniques sont imparfaitement observées.

Plusieurs peintres militaires, MM. de Neuville et Berne-Belcour entre autres, sont en congé ; et M. Dupray, un capitaine renommé, qui n’a jusqu’à présent jamais quitté son régiment, nous surprend par une page familière d’histoire civile, plus dramatique qu’elle n’en a l’air. Cette femme qui aux premiers rayons d’un gai soleil d’automne monte en voiture dans le jardin d’un hôtel particulier, c’est l’impératrice Eugénie qui se met en route pour l’exil, le matin du 5 septembre. — Le destin qui frappait la souveraine réservait à la mère une douleur plus grande encore. — Seuls répondent à l’appel M. Protais, avec une Reconnaissance de chasseurs à pied,